C'était l'un des principaux points de blocage du projet de budget 2025. Le Premier ministre démissionnaire Michel Barnier avait fini par céder aux parlementaires la semaine dernière, en promettant une baisse de la facture d'électricité de 14 % en 2025. Cette concession tombe-t-elle avec la chute du gouvernement ?
Visiblement non. Le coût global des taxes sur l'électricité ne va pas changer en 2025 pour la majorité des Français concernés par les tarifs réglementés, indique le ministère du Budget. Sauf nouvelles dispositions budgétaires du futur gouvernement, les taxes appliquées au tarif bleu d'EDF devraient en effet rester au niveau prévu en 2025 de « 37,20 euros par mégawattheure », précise Bercy.Baisse de 14 % du « tarif bleu »
Cela devrait permettre à la facture des 60 % de Français au « tarif bleu » et aux 15 % de contrats indexés sur ce tarif de baisser de 14 %, grâce à la forte baisse du prix de l'électricité sur les marchés de gros. C'est davantage que le recul de seulement 9 % annoncé initialement par le gouvernement Barnier, qui voulait collecter 3 milliards d'euros de plus sur l'électricité, pour renflouer les caisses de l'Etat.En revanche, la censure change la donne sur la répartition des taxes. Faute de budget 2025, la taxe sur l'électricité (accise) devrait remonter à 33,78 euros le mégawattheure pour les ménages, soit son niveau d'avant la crise énergétique de 2022 (32 euros + inflation). C'est davantage que les 25,09 euros prévus dans le projet révisé de budget 2025.
Mais en parallèle, la TVA sur l'abonnement devrait rester à 5,5 % au lieu d'être relevée à 20 %. Le passage à 20 % est une obligation européenne, mais il ne peut se faire sans évolution législative, comme celle qui était prévue dans le projet de loi de finances 2025.L'addition des deux taxes (accise et TVA) équivaut aux 37,20 euros le mégawattheure prévus initialement pour 2025, selon les simulations du gouvernement sortant. Ce niveau reste très supérieur aux 24 euros de taxes actuelles (dont 21 euros d'accise), dans le cadre du « bouclier tarifaire ».Mis en place pour contenir les prix face à la flambée des coûts de l'énergie causée par la guerre en Ukraine, ce dispositif s'était traduit, en 2022 et 2023, par une accise à 1 euro. Elle avait été relevée cette année, mais sans revenir à son niveau d'avant-crise.Sur trois ans, le manque à gagner pour les finances publiques a atteint 26 milliards d'euros. Mais le « bouclier tarifaire » expire début 2025. Ensuite, le droit commun recommencera à s'appliquer, explique-t-on à Bercy.
Restent plusieurs incertitudes. Notamment l'évolution du tarif de transport de l'électricité (Turpe). Il représente en moyenne un tiers de la facture des particuliers et des professionnels. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) prévoit de relever ce tarif en février prochain, plutôt qu'en août. Si elle optait finalement pour un statu quo, dans sa décision attendue début 2025, la facture pourrait baisser davantage que les 14 % attendus.
Pour le quart restant des ménages et pour la plupart des entreprises, approvisionnés aux prix de marché, le relèvement de l'accise sera en revanche synonyme de hausse de la facture globale en 2025.Craintes des électro-intensifs
Pour les grands industriels, qui bénéficient d'un régime de faveur, la censure du gouvernement risque aussi d'avoir un goût amer. Le projet de budget prévoyait de prolonger le coup de pouce fiscal accordé aux électro-intensifs jusqu'en décembre 2025, soit un taux de taxe de 0,5 euro par mégawattheure. Le retour au barème normal (de 2 % à 7,5 %) coûterait « au moins 250 millions d'euros » aux industriels, estime l'Uniden, qui représente les industriels fortement consommateurs d'électricité.Le projet de loi de finances devait aussi entériner le système qui succédera, pour les industriels, aux prix régulés historiques de l'électricité nucléaire (Arenh) à partir de 2026. Après un an de discussions difficiles entre EDF et ses grands clients, une réunion de « revoyure » a eu lieu jeudi après-midi au ministère de Transition énergétique, sous l'égide du gouvernement démissionnaire. Objectif : lever les blocages. « Un exercice de communication sans annonce particulière », estiment certaines parties prenantes.Le ministre de l'Economie Antoine Armand avait reçu le patron d'EDF, Luc Rémont, mercredi. Mais officiellement, l'Etat ne doit pas intervenir dans les discussions commerciales entre l'énergéticien public et ses clients. Les pouvoirs publics espèrent néanmoins exercer une « saine pression » pour qu'EDF fasse des efforts sur ses prix et conditions, selon une source. En jeu : les craintes croissantes de fermetures d'usines, donc de baisse de la consommation électrique. Si le diagnostic fait consensus, chacun se renvoie la balle pour faire aboutir les négociations.