Ne voyez pas là une manifestation d'optimisme à tous crins, mais plutôt de bon sens. Le contexte turbulent et imprévisible invite les dirigeants et managers à bien davantage encourager leurs collaborateurs et à déléguer. Il les pousse à s'appuyer sur leur intelligence émotionnelle pour apprendre à faire confiance et, dans la foulée, atténuer le stress ambiant et laisser une place à la créativité. Faute de quoi, dépourvus de la possibilité de prendre plus d'initiatives, de bénéficier de plus de flexibilité et de mieux collaborer entre eux, celles et ceux qui travaillent en entreprise peineront à faire réussir leur organisation.
« Cette évolution du management, ce sont les collaborateurs qui la réclament : 'Voilà comment tu dois… 'doit devenir 'Voilà pourquoi tu dois…' », estime Mathilde Le Coz, directrice des ressources humaines de Mazars en France, dans une chronique pour « Les Echos ».
Prise de risque et lâcher-prise
Capitale dans toute relation humaine comme en économie, la confiance ne va cependant pas de soi, comme nous le savons mieux que personne, dans le milieu du travail en France. Pourtant, la crise du Covid et le télétravail - défi technologique autant que managérial - l'ont prouvé : le management par la confiance est efficace. Contre toute attente, nombre de dirigeants et managers n'ont-ils pas découvert, en périodes de confinement, les qualités insoupçonnées de salariés demeurés jusque-là dans l'ombre ? « La culture de la confiance permet aux collaborateurs d'oser, de prendre des risques et de faire preuve de bien plus d'initiatives. Ainsi responsabilisés et rassurés, ils se sentent autorisés à dire les choses d'une façon plus ouverte ; ce qui permet de détecter au plus tôt d'éventuels problèmes », observe Claire Pedini, directrice générale adjointe, directrice des ressources humaines et de la responsabilité sociale d'entreprise du groupe Saint-Gobain.
« Cum fidere », c'est « avec foi »
Mais faire confiance revient à se placer non pas dans le registre de la connaissance, mais de la croyance (« cum fidere », la racine latine du mot confiance, peut se traduire par « avec foi »). « C'est une prise de risque et un lâcher-prise sur l'autre. En entreprise, univers contractuel par excellence (autant dire, l'inverse de la confiance !), cela revient à accepter - parce qu'on est soi-même suffisamment fort et autonome pour encaisser une éventuelle tromperie - de faire un saut dans l'inconnu », rappellela philosophe Julia de Funès dans une vidéo Youtube.
De quoi peut-être expliquer pourquoi la confiance se pose parmi les premières carences managériales… Une situation en tout point contre-productive : l'absence de confiance, entraînant un réflexe de protection, en vient à successivement nourrir le repli sur soi, le désengagement, la fuite des responsabilités et une forme plus ou moins aiguë de ressentiment. Pour, peu à peu (parfois même assez vite), conduire à une démission silencieuse, ce fameux « quiet quitting » dont on nous rebat les oreilles.
Pour enrayer ce processus délétère, dirigeants et managers devraient se replonger dans les ouvrages des psychologues Elton Mayo et Abraham Maslow, ainsi que ceux du professeur Douglas McGregor, qui dissèquent les moteurs de la motivation des individus au travail. Ils pourraient aussi s'inspirer des entraîneurs sportifs qui ne se focalisent pas sur l'amélioration des seuls points faibles. Ces coachs savent valoriser les points forts et le potentiel de chacun et donner des signes individuels de reconnaissance qui dopent la confiance en soi et avivent la motivation, l'engagement et donc la performance collective.
Mais si l'expérience d'une pratique (le tennis comme la vente) fait gagner en confiance, le philosophe Charles Pépin invite - dans son ouvrage « La confiance en soi - une philosophie » (décembre 2020, Pocket) - à aller au-delà de la capacité à répéter ce que l'on sait déjà faire pour se rendre sur un tout autre terrain : celui du développement de la créativité. Un espace qui permet de « s'ouvrir en profondeur à l'acceptation de l'incertitude », sachant que « la vérité de l'action ne se trouve pas dans la réflexion qui la précède mais dans l'action elle-même » : c'est en montant sur scène que les comédiens prennent confiance. Pas avant.
Bonus vertueux : accorder sa confiance à autrui conduit souvent la personne qui en bénéficie à faire de même.