Être digital nomad quand on entreprend seul est une chose. Continuer à l'être quand on dirige plusieurs salariés en est une autre. C'est pourtant le mode de fonctionnement d'Aline Bartoli. Aujourd'hui à la tête de deux entreprises de coaching (The B Boost qu'elle a créée et Pose ta dem qu'elle a rachetée), elle gère une vingtaine de collaborateurs entièrement à distance. 

Pouvez-vous commencer par vous présenter ? 

J'ai l'habitude de me présenter sous la forme de bullet points : 

  •  J'ai été freelance dans la photo et la retouche photo pendant 6 ans ;
  • Je suis la créatrice de The B Boost, une entreprise de formation et d'accompagnement, de consulting et de conseils pour les entrepreneurs qui se lancent et qui veulent se développer d'un point de vue commercial ;
  • Je suis l'heureuse repreneuse de Pose ta dem depuis un an et demi. C'est une entreprise qui accompagne les futurs entrepreneurs et les salariés dans leur reconversion professionnelle ; 
  • Et, à mes heures perdues, j'anime depuis cinq ans le podcast “J'peux pas j'ai business”. 

Pourquoi faire le choix de ne pas avoir de local professionnel ? 

Aline Bartoli. Au départ, ce n'était pas un choix conscient, ni une stratégie. Ça s'est plutôt fait par la force des choses. Quand j'ai créé The B Boost, je voyageais beaucoup à titre personnel : j'étais deux mois à l'étranger puis un mois à Paris. Ne pas avoir de bureau était une manière pour moi de me laisser cette liberté d'aller où je voulais et quand je le voulais. Bien sûr, tout ça était possible parce que mon activité me le permettait.

Ça a duré un an et demi avant le COVID. Ensuite, je me suis installée à Nice et c'est là où j'ai éprouvé le besoin de louer un bureau dans un espace de coworking.

Qu'est-ce qui a justifié ce changement de mode de travail ?

Arrivée à Nice, j'avais besoin d'un endroit pour travailler et domicilier mon entreprise. Cependant, il n'y avait pas la fibre dans mon nouvel appartement. Impossible de travailler dans ces conditions, surtout quand on travaille dans le digital et qu'on manipule des fichiers lourds comme des podcasts.

J'ai fait le choix d'un bureau fermé dans un espace de coworking parce que c'était la solution de facilité : tout était prêt (le mobilier, Internet, l'électricité, le ménage...). Je n'avais plus qu'à venir travailler. C'était génial car pour la première fois, j'avais une vraie coupure entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle. Je ne me rendais pas compte à quel point j'en avais besoin à ce moment-là.

Après trois ans de location, je viens de rendre mon bureau. Désormais, j'ai besoin de gagner à nouveau en flexibilité.

Vous hésitez entre travail à distance, acquérir un local ou espace de coworking ?

Comment vos parties prenantes réagissent-elles à cette situation ?

Personne ne m'a jamais posé de question. Quand j'ai un invité pour un podcast, je vais dans un studio d'enregistrement pour avoir des conditions de tournage professionnelles. Pour recevoir des clients, je loue un bureau à Paris ou je les reçois à Nice. En réalité, ma cible a le même fonctionnement que moi, il n'y a donc pas de souci d'incompréhension.

Travailler avec des freelances puis recruter vos premiers salariés n'a-t-il pas remis en cause votre mode de fonctionnement ?

Avec les freelances, le présentiel n'est pas nécessaire puisqu'ils travaillent par définition à distance. Quand j'ai recruté ma première salariée, il n'y avait pas de raison qu'elle soit traitée différemment. Au contraire, cela me permettait de recruter dans toute la France. Peu m'importait où elle était, ce que je voulais, c'était une personnalité et des compétences. Le seul moment où il était nécessaire de faire venir un collaborateur à Nice était pour les journées d'intégration.

Comment recrutez-vous vos collaborateurs ? Comment vous assurer qu'ils seront performants même à distance ?

C'est le point le plus difficile : recruter quelqu'un qui soit très autonome et discipliné, capable de se responsabiliser. Mon processus de recrutement est strict : un formulaire de candidature très complet avec des mises en situation, puis deux entretiens dont un avec les autres membres de l'équipe.

La période d'essai permet ensuite de vérifier si le profil correspond. On se rend compte généralement très rapidement (en un ou deux mois) si la personne n'a pas envie de travailler et ne joue pas le jeu car il y a des livrables à rendre. Comme on est une petite structure, on forme et on accompagne. Donc on repère facilement si le travail est fait ou pas. Jusqu'à présent, je n'ai jamais eu de problème avec le recrutement.

Comment décririez-vous le profil de vos collaborateurs ?

La majorité de mes collaboratrices (ce sont toutes des femmes) ont entre 25 et 35 ans. Celles qui ont accepté un CDI sont toutes entrepreneures à côté, ou elles l'ont déjà été. Je les encourage moi-même à avoir un présent entrepreneurial pour bien comprendre notre cible. D'ailleurs, je recrute généralement des personnes qui font partie de mon audience. C'est pourquoi elles ont l'habitude de bosser seul, sans un patron qui leur dit quoi faire.

Comment gérez-vous vos équipes à distance ?

J'ai un rapport particulier avec le travail : je n'attends pas que mes collaborateurs travaillent pendant des horaires en particulier. Je préfère qu'ils remplissent des objectifs personnels, peu importe le temps et la manière dont cela s'est fait.

J'ai une gestion inspirée des start-ups, mais en version très allégée : on fait une réunion d'équipe tous les lundis matin. J'essaie ensuite de limiter au maximum les réunions et les appels téléphoniques grâce à l'utilisation d'outils informatiques. Et il est interdit de me contacter sur mon téléphone portable car c'est ma ligne personnelle.

Quels sont ces outils ?

Les échanges spontanés se font sur Slack, la gestion de projet sur ClickUp. Quand il est nécessaire d'échanger des informations, on utilise Loom qui permet de faire des vidéos en enregistrant son écran. C'est pratique pour partager un tableau Excel tout en le commentant, par exemple. Ça nous sert beaucoup lorsqu'il y a trop d'éléments pour faire un mail mais pas suffisamment pour générer une réunion.

Vous avez repris l'entreprise Pose ta dem fin 2023. Le fait que les collaborateurs étaient eux aussi 100 % à distance a-t-il joué dans votre choix de rachat ?

Totalement ! La reprise pouvait s'intégrer dans la gestion de The B Boost sans me demander de réinventer des méthodologies de travail et des outils. J'ai été un peu tyrannique [rires] avec les équipes de Pose ta dem car je leur ai imposé le système qui fonctionnaient bien pour moi avec The B Boost. Les équipes ont été très compréhensibles et ont fourni un effort d'adaptabilité. J'utilise les mêmes outils, ce qui, en plus d'être économique, est très pratique :  j'ai juste besoin de switcher d'un onglet à l'autre en fonction du nom de l'entreprise.

Les équipes n'ont-elles jamais l'occasion de se rencontrer réellement ?

On se rejoint chaque année à deux occasions : lors d'un séminaire à Paris avec nos clients et d'un teambuilding à Nice (ou ailleurs) pour connecter ensemble.

Quels inconvénients voyez-vous dans le “digital nomad” ?

Il faut être très attentif à ce que chacun se sente bien dans son travail. En étant à 100 % chez soi, on peut se sentir seul par exemple. Je dois être ultra vigilante quant à l'état physique et mental de chacun. Pour cela, j'organise au moins un appel de 30 min mensuel. Je suis attentive à leur charge de travail, je leur pose des petites questions pour savoir comment elles se sentent. Je responsabilise beaucoup sur l'importance de faire des feedbacks car je ne peux pas deviner.

Se confier à son supérieur peut être difficile pour certaines personnes...

Aline Bartoli. On a réussi à instaurer un climat de confiance, de bienveillance, au sein des équipes. Ils savent qu'ils ont intérêt d'être honnêtes pour le bien de tous et que ça n'aura pas de répercussions négatives.

Il faut aussi que ça marche dans les deux sens. Je leur partage beaucoup ce que je traverse. Certains viennent à Nice une ou deux fois par an pour qu'on puisse se voir en vrai et lier des liens au-delà du professionnel.

Il faut dire que je travaille avec des personnes extraordinaires, qui ont une grande intelligence émotionnelle, un bon relationnel et de la discipline. Sans cela, ce ne serait pas possible !

À la tête de 2 entreprises dans l'infopreneuriat, Aline Bartoli nous raconte son aventure entrepreneuriale pleine de surprises dans le podcast " Changement de propriétaire ".