La situation est inédite. Depuis 1945, le travail ne permet plus à la plupart des gens d'augmenter leur niveau de vie. A ce constat dressé par le chercheur Antoine Foucher, s'ajoute un autre diagnostic peu encourageant : la durée que nous passons à travailler ne diminue plus et lenombre d'années passées au travail augmente même. Confrontés à cette double rupture, les salariés peuvent réagir de trois manières : en développant une forme de résistance - qu'elle soit silencieuse ou protestataire - au travail ; en s'investissant de manière plus distanciée ; et/ou en se plongeant dans une quête plus accrue de sens dans leur activité professionnelle. Ces observations ne dressent cependant pas les contours d'un rejet catégorique du travail, mais plutôt du rejet d'un emploi peu rémunérateur, qu'on ne choisit pas ou qui n'est pas vecteur d'épanouissement. D'un travail qui aurait perdu de sa valeur.
Toute la seconde moitié du livre consiste en un examen constructif de certaines propositions visant à (re) donner au travail sa juste fonction rémunératrice. Parmi elles, l'une fait déjà l'objet de débats : baisser le taux moyen de taxation du travail de 46 % à 36 %, et augmenter en parallèle celui du capital de 30 % à 36 % pour assurer un équilibre. Le projet esquissé par Antoine Foucher, qui anticipe à plusieurs reprises les critiques, repose également sur un effort de solidarité : celui des héritiers les plus chanceux, et celui des 20 % de retraités les plus aisés.
Le temps de travail dans la vie : « Par rapport aux générations précédentes, les travailleurs d'aujourd'hui doivent prendre en charge environ deux fois plus de retraités, tout en ayant à peu près autant d'enfants qu'avant, mais qui restent à leur charge plus longtemps en raison de l'allongement des études. Dans ces conditions, il est mathématiquement impossible que le temps de travail dans la vie continue à diminuer, sauf à alourdir encore un peu plus la charge sur le dos des actifs, ou à diminuer de façon drastique et générale le niveau des pensions de retraite. »Revaloriser le travail : « Si on veut revaloriser le travail, et quoi qu'on pense des droits de succession , on ne peut éviter la question suivante : le travail est-il à sa juste place quand la majorité de ce que les gens possèdent n'a rien à voir avec leur propre travail ? Si le premier facteur de niveau de vie individuel dans une société n'est pas le travail, mais le hasard de la naissance, peut-on dire qu'il s'agit d'une société fondée sur le travail ? »
Un compromis : « [Un] compromis [pourrait] se formuler ainsi : chaque individu doit au collectif une quantité minimum de travail pendant sa vie, mais la contrepartie de cette règle commune à tous, c'est que chacun peut, individuellement, assumer ce travail […] selon son rythme et ses projets. Travailler intensément mais moins longtemps, travailler à temps partiel mais plus longtemps, s'arrêter une ou deux fois dans sa vie de travailler mais travailler plus âgé pour compenser : chacun aurait le droit d'organiser son temps de vie selon des règles claires, équitables et transparentes. »