Les bonnes nouvelles ne pleuvent plus trop sur la French Tech. Depuis plus d'un an, les start-up françaises font face à la crise de financement qui frappe la tech non cotée partout dans le monde. Mais l'année 2022 n'a pas été si terrible. Tout d'abord, parce que la France a enregistré un record en termes de levées de fonds. Ensuite, parce que la croissance a été au rendez-vous.
Selon le baromètre annuel de France Digitale et EY, sur la « performance économique et sociale » du secteur, les start-up interrogées ont enregistré une croissance moyenne de leur chiffre d'affaires de 32 % en 2022. C'est 9 points de plus qu'entre 2021 et 2020. « C'est le signe que ces entreprises sont résilientes », se réjouit Maya Noël, directrice générale de France Digitale.
Ce dynamisme s'explique en partie par les (gros) tours de table réalisés fin 2021 et début 2022, à tous les stades de maturité. Il ne faut pas l'oublier qu'une augmentation de capital sert à accélérer la croissance d'une start-up. « C'est un peu une forme d'avance sur trésorerie », image Maya Noël. La répartition des revenus de l'échantillon analysé n'a en revanche pas changé : 56 % proviennent de France, 22 % du reste de l'Europe et 22 % au-delà du continent.Doubler la commande publique et privée
Les grands groupes ont été les plus gros contributeurs du chiffre d'affaires des start-up françaises (60 %), loin devant les start-up (23 %) et le public (17 %). « Il existe beaucoup de start-up qui ont conçu des produits uniquement pour les grands groupes. Elles sont un peu considérées comme des laboratoires d'innovation pour ces corporates », souligne Maya Noël.Derrière ce chiffre de 60 %, se cachent quelques bémols. D'après le baromètre, 75 % des start-up interrogées estiment que le cycle de vente des grands comptes est trop long et 60 % indiquent éprouver des difficultés à entrer en contact avec eux. Enfin, 53 % d'entre elles trouvent que la structure des appels d'offres est inadaptée aux start-up.« J'ai des cas quotidiens de sociétés qui me racontent avoir perdu un appel d'offres parce qu'elles ne rentraient pas dans la grille, que ce soit dans le privé ou le public », abonde la dirigeante. C'est pourquoi le gouvernement a dévoilé en juin dernier, à l'occasion de VivaTech, un plan pour booster la commande publique et privée auprès des jeunes pousses de la French Tech. A l'époque, plus de 40 acteurs institutionnels et 255 entreprises, dont 108 grands groupes, se sont engagés à doubler leurs achats auprès des start-up d'ici à 2027. « Ce qui est assez frustrant, c'est qu'il n'y a aucune préférence française ou européenne à l'achat. Les acteurs américains vont naturellement favoriser les start-up américaines, et pareil pour les Chinois. Si on ne flèche pas les achats vers les acteurs, ça va être compliqué à l'avenir », estime Maya Noël.
Ralentissement des recrutements
Parmi les autres obstacles à surmonter dans les 12 prochaines, on trouve (sans grande surprise) celui de la levée de fonds. Depuis six mois, les opérations à plus de 10 millions sont devenues des exceptions. En revanche, plus la start-up est mature (série D et +), moins la levée de fonds a été difficile, et plus simple a été la recherche de solutions alternatives (dette, autofinancement…). « Ce sont les start-up qui ont cherché à clôturer une série A qui ont rencontré le plus de difficultés à trouver des investisseurs », notent les auteurs du baromètre.Autre obstacle à venir : encore et toujours le recrutement, et ce, malgré les plans de départs volontaires et plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui se sont multipliés ces 18 deniers mois. « Je m'attendais à plus de plans », avoue Maya Noël. Cela s'explique en partie par la plus grande protection dont bénéficient les salariés français (comparé à leurs homologues américains par exemple). Mais aussi parce que certaines start-up espéraient clôturer une levée de fonds en 2022 et n'ont pas souhaité réduire leurs effectifs. Pour les douze prochains mois, les start-up françaises sont beaucoup moins ambitieuses que ces dernières années.
Près de 70 % des jeunes pousses interrogées comptent recruter entre 1 et 10 personnes dans l'année à venir. Et 18 % entre 11 et 50 personnes. Côté rentabilité, le nouveau « mot magique » de l'écosystème, on est aussi prudent. Environ 55 % des sondées assurent qu'elles seront rentables d'ici à trois ans et 15 % entre trois et huit ans. Les rendez-vous sont pris.