Le gouvernement remet une louche de vinaigre dans sa potion budgétaire. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et celui des Comptes publics, Thomas Cazenave, étaient auditionnés mercredi, successivement à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les locataires de Bercy devaient débattre avec les parlementaires de l'annulation par décret de 10 milliards d'euros de crédits pour cette année, annoncée il y a deux semaines. Ils en ont profité pour annoncer un effort au moins deux fois plus important pour l'an prochain. « Pour tenir notre objectif, que nous maintenons, de ramener le déficit sous 3 % d'ici à 2027, nous devons garantir que les 10 milliards d'euros d'économies pour 2024 soient pérennes. Et d'autre part, porter notre effort de 12 à au moins 20 milliards d'euros d'économies supplémentaires pour l'année 2025 », a lâché Thomas Cazenave devant la commission des Finances de l'Assemblée.Sans surprise, les ministres ont essuyé une pluie de critiques de la part des oppositions. Certains élus vilipendaient l'insincérité du budget 2024, adopté seulement deux mois avant les annulations de crédits. D'autres dénonçaient le choix - certes légal - de procéder par décret pour un tour de vis budgétaire de cette importance - y voyant un nouveau manque de respect pour le Parlement. Les accusations de « coup de rabot » n'ont pas non plus manqué à l'appel. Et chaque parlementaire y est allé de sa dénonciation de tel ou tel budget ponctionné par Bercy : l'écologie, la recherche, les affaires étrangères…

Une fusée à trois étages

Pour répondre aux critiques, les ministres ont dressé un tableau particulièrement noir de la situation des finances publiques. La fin d'année 2023 a été catastrophique du point de vue des recettes : 4,4 milliards de moins que les prévisions pour l'impôt sur les sociétés, 1,5 milliard pour l'impôt sur le revenu, 1,4 milliard pour la TVA… Au final, le déficit sera « significativement » au-dessus des 4,9 % du PIB prévu, a reconnu Bruno Le Maire.Les 10 milliards de crédits annulés ne sont donc que le premier des trois étages de la fusée. Viendra ensuite un éventuel correctif budgétaire dès l'été prochain. « Nous attendrons de savoir quelles sont les recettes fiscales dans les mois qui viennent pour savoir si, oui ou non, nous faisons un projet de loi de finances rectificative. Aucune décision n'a été prise à ce stade », a assuré le ministre de l'Economie. Et, surtout, arrivera après le projet de loi de finances pour 2025.Pour trouver 20 milliards d'euros d'économies dans le futur budget, le gouvernement a déjà quelques idées. Les ministres n'ont pas rementionné la désindexation des prestations sociales et des retraites, pourtant évoquée par Thomas Cazenave récemment sur France Inter. Le sujet a sans doute été jugé trop explosif, à une encablure des élections européennes. Et Emmanuel Macron ne veut pas en entendre parler.En revanche, Bruno Le Maire a détaillé les revues de dépenses en cours - avec quelques surprises à la clé. On savait que le gouvernement avait dans le viseur les prestations sociales - faute de pouvoir toucher aux dépenses des collectivités locales et après avoir taillé cette année dans les dépenses de l'Etat. « Les dispositifs en faveur de la jeunesse, les politiques de l'emploi, la formation professionnelle et l'apprentissage, les dispositifs médicaux, les affections de longue durée » sont donc passés au peigne fin par les services de Bercy, qui invite les parlementaires à se joindre à l'exercice. Bruno Le Maire leur a ainsi demandé s'il était légitime et soutenable que l'intégralité des transports médicaux soit prise en charge par la collectivité - pour un coût de 5 milliards d'euros par an.Les aides aux entreprises sont également scrutées. Mais aussi les aides au secteur du cinéma, l'absentéisme dans la fonction publique, ou encore les « mesures de maîtrise de la loi de programmation militaire » et « les dépenses immobilières des ministères sous lois de programmation ». Façon de dire que nul ne sera épargné, pas même ceux qui se pensent à l'abri d'engagements pluriannuels de l'Etat.