Vendredi ? Samedi ? Ou, dernier jour possible en théorie, dimanche ? Fort du feu vert du Conseil d'Etat, même s'il a tiqué sur plusieurs mesures, le gouvernement n'a plus que trois jours pour publier le décret portant sa réforme de l'assurance-chômage, la prolongation temporaire des règles actuelles d'indemnisation des chômeurs tombant le 30 juin à minuit. A moins, comme certains le laissent entendre, que Matignon ne repousse l'échéance pour ne pas polluer des législatives qui s'annoncent mal pour le camp Macron, quitte à prendre un risque juridique vis-à-vis des chômeurs.
Promise par Gabriel Attal lors de sa nomination à Matignon, cette réforme s'est construite sur les cendres de la négociation des partenaires sociaux sur les parcours professionnels et l'emploi des seniors dont l'échec en avril a entraîné avec lui la Convention Unédic que ces mêmes partenaires sociaux avaient conclu en novembre. Appliquant la loi, le gouvernement a alors repris la main et décidé un coup de vis qui n'attendait plus que son décret pour prendre forme.
Tour de vis
Pour rappel, les conditions d'éligibilité, c'est-à-dire le nombre de mois nécessaires pour percevoir une allocation, sont censées passer de 6 sur les 24 précédant la perte de l'emploi, à 8 sur les 20 derniers pour les moins de 57 ans (30 mois au-delà). Ce faisant, la durée maximale d'indemnisation va diminuer de 18 à 15 mois (22,5 mois pour les seniors). La réforme a aussi rajouté un seuil au principe de contracyclicité : si le taux de chômage descend en dessous de 6,5 % de la population active, soit un point de pourcentage de moins qu'actuellement, ces durées seront réduites de 15 %.Dernières mesures enfin, le versement des allocations se fera sur la base de 30 jours par mois, les chômeurs de plus de 57 ans recevront un bonus pendant un an s'ils reprennent un travail moins payé et, enfin, les aides à la création/reprise d'entreprise seront mieux contrôlées. Même s'il a justifié la réforme par la nécessité de rendre l'assurance-chômage plus incitative à la reprise d'un emploi, le gouvernement a bien en tête que cela va faire faire beaucoup d'économies à l'Unédic, de l'ordre de 3,7 milliards d'euros par an en régime de croisière.
Sauf que tout cela ne tient qu'à un fil, celui de l'espoir pour le camp Attal de sauver sa mise le 7 juillet au soir, ce qui n'est pas l'option la plus probable, loin de là. Même si la question du chômage est quasi absente de leurs programmes, le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire ont tous deux promis de jeter la réforme à la poubelle en cas d'accession au pouvoir.Ce serait donc pour ne pas redonner un argument à l'extrême droite et au camp de la gauche dans les heures d'ici au premier tour, voire au-delà, que Matignon pourrait retarder la publication du décret. Soit à lundi via un « Journal officiel » exceptionnel (il ne paraît que du mardi au dimanche), comme c'est arrivé pendant le premier confinement, à condition de justifier d'un cas de force majeure ou d'une situation de crise (ce qui n'est pas le cas a priori). Soit plus tard.Ce suspense a de quoi rendre les services de l'Unédic et les équipes de France travail (ex-Pôle emploi) un peu nerveux. En l'état actuel de la législation, sans nouveau décret d'ici au 30 juin, les règles d'indemnisation tomberont d'elles-mêmes. Seul un nouveau décret est de nature à éviter ce vide juridique potentiel, quand bien même France travail pourrait décider de poursuivre le versement des allocations à corpus de règles inchangées. Une publication lundi avec mention « dès ce jour » éviterait cela.