Les PME risquent-elles de rater le train de l'intelligence artificielle ? Selon le baromètre France Num 2023 publié en fin d'année dernière, 5 % seulement des entreprises utilisent des solutions d'IA. Face à cette faible utilisation, les initiatives se multiplient pour les inciter à sauter le pas. La région Ile-de-France a, par exemple, créé en 2022 « Pack IA », un dispositif d'accompagnement pour les entreprises franciliennes, tandis que Bpifrance a mis sur pied à l'été 2023 son dispositif « IA booster France 2030 ». Et la Confédération des PME commence elle aussi à s'intéresser au sujet.

L'apparition de ChatGPT, en novembre 2022, a pourtant tout changé en mettant les applications de l'intelligence artificielle générative en vedette avec des applications concrètes. « Les gens arrivent souvent avec une vision négative mais, après avoir reçu des explications, leur peur a disparu et ils sont souvent conquis », affirme Manuel Llop, un consultant qui a mené des dizaines de formations auprès de TPE-PME, essentiellement au Pays basque. Selon une enquête de Labor IA, 96 % des entreprises ayant utilisé une IA estiment que cela a eu « un impact positif ou très positif ».

Abaisser les coûts

Quand les entreprises s'emparent du sujet, c'est le plus souvent au niveau des fonctions support, et notamment la relation client. Comme, par exemple, le site de location de meublés de vacances Poplidays, qui gère 55.000 appartements et reçoit chaque jour plus de 1.000 questions relatives aux biens disponibles. « Désormais, 85 % des réponses sont apportées par l'IA à partir de l'analyse de la fiche technique du bien », explique Owen Lagadec-Iriarte, le directeur de cette entreprise de 40 salariés installée à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

Chez Paris Fashion Shops, une entreprise qui gère le groupage et l'envoi de colis pour le compte de 500 fabricants et grossistes parisiens de mode, l'IA s'est aussi invitée à tous les étages. « Aujourd'hui, nous ne préparons pas un plan d'action marketing sans d'abord utiliser ChatGPT. Avec cet outil, nous avons un moteur de réponses alors que Google est un moteur de recherche. C'est un gain de temps énorme », résume Jacky Chang son fondateur. Au sein de l'entreprise qui emploie 75 salariés, une quinzaine de personnes au marketing, à l'informatique ou au support client utilisent ChatGPT-4, la version payante de l'outil.

Chez Acheel, une jeune entreprise qui bouscule le monde de l'assurance, l'intelligence artificielle est même au coeur du modèle économique. « L'IA nous aide à abaisser nos coûts et nous permet de gérer 500.000 assurés avec seulement 75 collaborateurs soit cinq fois moins que le ratio de la profession », affirme Ralph Ruimy, le cofondateur. La jeune pousse, qui propose entre autres des contrats d'assurance habitation, automobile ou pour les animaux, a aussi développé un algorithme de détection de fraude en s'appuyant sur le système de reconnaissance de caractères proposé par AWS d'Amazon.

Système de détection des fuites

A l'instar d'Acheel, nombre d'entreprises ont plus discrètement développé des applications spécifiques à leur métier. Grâce au programme Pack IA, Matelex, une PME parisienne qui gère les installations de réfrigération, s'est ainsi appuyée sur Jalgos, une entreprise spécialisée dans le machine learning, pour développer un système de détection des fuites. Avec, à l'arrivée, une réduction des coûts de maintenance.La société de conseil Axys a, elle, aidé plusieurs PME ou ETI sur des projets variés. Comme cette société d'expertise automobile pour le développement d'un algorithme qui calcule automatiquement le coût d'une réparation. Ou un opérateur télécoms, dont le logiciel évalue le risque de défaut de paiement lors de la souscription d'un contrat. Plus original, un producteur audiovisuel s'appuie sur l'intelligence artificielle générative pour produire les maquettes vidéo qui sont présentées aux financeurs des programmes. « Ce qui exigeait auparavant un mois de travail peut être réalisé en une journée », assure Jean-Marc Guidicelli, directeur associé d'Axys.

Gare aux « hallucinations »

L'intelligence artificielle exige pourtant des précautions. « Les gens sont souvent ébahis par les démonstrations, puis déçus lors de l'utilisation. Pour obtenir de bonnes réponses d'une IA générative, il faut poser la question de façon précise. Cela s'apprend », prévient Manuel Llop. Gare aussi aux « hallucinations », ces réponses fausses pourtant présentées comme des faits certains, met également en garde Owen Lagadec-Iriarte : « Nous sommes très vigilants car les réponses que nous envoyons à nos clients ont un caractère contractuel », insiste-t-il.

Les entreprises vont en tout cas bien devoir apprendre à travailler avec ces outils largement promus par les Gafam. A l'image de Microsoft qui a présenté en novembre dernier Copilot, son assistant dopé à l'IA. Un marché sur lequel tout va très vite. « Le logiciel n'était réservé qu'aux grandes entreprises ayant les moyens d'acheter 300 licences au minimum. Puis, au mois de janvier, Microsoft a modifié sa politique commerciale et supprimé cette condition. Cela change complètement la donne et ouvre les portes en grand aux PME », explique Jean-Marc Guidicelli.