Il y a 9.140 radiologues exerçant en France dans les cabinets médicaux et centres hospitaliers. Et, comme beaucoup de spécialistes de la santé, ils croulent sous le travail puisque, sous l'effet du vieillissement de la population et du développement de maladies chroniques, le volume d'images médicales à analyser chaque année augmente plus vite que leurs effectifs.

Ils peuvent désormais compter sur des logiciels utilisant l'intelligence artificielle. « Nous sommes dans l'ère des radiologues augmentés. Avec cette technologie, ils peuvent aller plus vite et faire moins d'erreurs », lance Julien Vidal, le patron de AZmed, une start-up cofondée avec Alexandre Attia, un spécialiste de l'IA passé par le master MVA ENS-Paris-Saclay, et Elie Zerbib, un docteur en obstétrique et gynécologie.

La jeune pousse, qui vient de lever 15 millions d'euros auprès de Maison Worms, Techstars et Teampact Ventures, a développé un logiciel spécialisé dans l'analyse des radios standards (traumatisme osseux, pathologie pulmonaire ou cardiaque). Celui-ci priorise les dossiers en fonction des risques, réalise un diagnostic et génère un compte rendu médical que le radiologue peut compléter. « Notre solution est utilisée dans 40 pays et auprès de 1.000 structures de santé », souligne Julien Vidal.

La France, vivier de talents dans l'IA

L'intelligence artificielle appliquée à l'imagerie médicale est un secteur dynamique en France, avec des jeunes pousses comme Gleamer, Milvue, Incepto, qui sont nées à quelques mois d'intervalles (entre 2017 et 2018) et séduisent les investisseurs. Et ne dites pas à leurs patrons que les IA vont remplacer les radiologues. Car, pour eux, cela relève de la science-fiction.

« Nous développons un copilote qui permet de réduire les erreurs de détection d'environ 30 %. Ce qui est normal puisque les machines ne sont jamais fatiguées et regardent toujours les images avec le même niveau de constance. Mais c'est bien le radiologue qui est responsable », insiste Christian Allouche, le patron de Gleamer, qui assure avoir passé la barre des 11 millions de revenus annuels récurrents (ARR).La société a mis au point quatre produits : BoneView (lésions traumatiques osseuses), ChestView (pathologies pulmonaires), BoneMeasurement (mesures ostéoarticulaires) et BoneAge (estimation de l'âge osseux). Elle doit lancer en 2024 des solutions dans l'imagerie de la femme (mammographie et tomosynthèse) et pour les scanners (surtout dans l'oncologie).

Dans un registre un peu différent, Raidium a vu le jour en 2022. « N ous développons une nouvelle génération d'IA dédiée à la radiologie dans son ensemble, contrairement à la première génération qui était contrainte à des cas d'usages précis », explique Paul Herent, qui a travaillé auparavant pour la licorne Owkin, où il a rencontré son cofondateur, Pierre Manceron.

Son produit repose sur un modèle de fondation multimodal capable de traiter du texte mais aussi de l'image. « Nous sommes les premiers en Europe à proposer cette technologie et avons déjà une traction commerciale dans le domaine des essais cliniques, pour l'instant à destinée de la recherche [développement de biomarqueurs d'imagerie basés sur l'IA, NDLR] », explique Paul Herent.

Depuis quelques années, les professionnels de la santé ont un appétit croissant pour la tech. La French Tech est l'un des écosystèmes les plus innovants en Europe dans l'imagerie médicale et peut compter sur un gros vivier de talents dans l'IA. Il y a aussi des raisons moins nobles à cet élan. « Nos structures de santé sont tellement malades que cela pousse à l'innovation », estime Julien Vidal, dans une allusion à l'engorgement des urgences. Même si elles ont un ADN deeptech - la R&D est au coeur de leur proposition de valeur -, ces jeunes pousses vendent des logiciels sur abonnement aux professionnels santé. Un modèle économique jugé plus facile pour passer à l'échelle, ce qui plaît aux fonds d'investissement.

Un marché qui va exploser

L'engouement mondial pour l'IA depuis le phénomène ChatGPT leur donne aussi le vent dans le dos. « On sent que c'est le moment où tout le monde est en train de s'équiper », observe Julien Vidal, qui veut lancer des nouveaux produits, développer sa start-up aux Etats-Unis et doubler ses effectifs.Selon Global Market Insights, le marché de l'IA en imagerie médicale passera de 1,38 milliard de dollars en 2022 à 19,9 milliards de dollars d'ici à 2032, ce qui représentera un taux de croissance annuel de 30,5 %. Au-delà des aspects commerciaux, les prochaines années promettent d'être exaltantes du point technologique. « Aujourd'hui, nous sommes dans le monde de la radiologie réactive. Mais, dans le futur, nous aurons de la radiologie prédictive », anticipe Christian Allouche.