C'est la nouvelle dépense publique dans le viseur du gouvernement. En quête d'économies budgétaires, Bercy veut rouvrir le débat sur l'indemnisation des arrêts de travail, dont le coût gonfle année après année. Quitte à provoquer la colère des salariés ou des entreprises, qui pourraient payer les uns ou les autres la facture.Voilà quelques jours que le Bruno Le Maire a lancé l'offensive médiatique sur ce dossier. « Les arrêts maladie ont augmenté de 10 % depuis le Covid ! Ce débat doit être ouvert dès cette année afin de lutter contre les abus. C'est aussi un principe de justice vis-à-vis de ceux qui travaillent », a plaidé le ministre des Finances dimanche dans « Ouest France ».

Lors de l'annonce mardi dernier du dérapage du déficit public en 2023 (à -5,5 % du PIB, contre -4,9 % attendu), il avait même fait de ce sujet sa « priorité » pour entamer le redressement des comptes publics, martelant vouloir « inverser la tendance ». Le coût des arrêts maladie, proche de 16 milliards en 2022 (en tenant compte des arrêts liés au Covid), a augmenté régulièrement ces dernières années, sur fond de vieillissement de la population active. Il reste depuis à un niveau élevé malgré la sortie de la crise sanitaire.

Effet dissuasif

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement dit vouloir mieux contrôler ce phénomène. Déjà l'an dernier, le Premier ministre Gabriel Attal, alors ministre des Comptes publics, avait assuré vouloir prendre le problème à bras-le-corps, pointant du doigt une augmentation « extrêmement importante » des arrêts et une facture qui pourrait atteindre 23 milliards d'euros par an en 2027, « si on suit le tendanciel ».

En dépit de la détermination affichée, le gouvernement était alors resté flou sur ses intentions. Et après l'adoption dans la douleur de la réforme des retraites qui a tendu ses relations avec les syndicats, il n'était pas passé à l'offensive dans le dernier budget de la Sécurité sociale.Le retour de ce dossier sur le haut de la pile suscite déjà quelques craintes chez les partenaires sociaux. Une des pistes, évoquée également dans « La Tribune Dimanche », consisterait à repousser le jour à partir duquel la Sécurité sociale couvre (partiellement) la perte de revenus des salariés absents. Pour mémoire, l'Assurance Maladie intervient à partir du quatrième jour dans le secteur privé après trois jours dit « de carence », un délai qui pourrait être porté jusqu'à six jours selon les plans gouvernementaux.Un tel allongement « n'est pas une économie pour les entreprises », a critiqué dimanche Eric Chevée, vice-président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) sur Franceinfo. En effet, une écrasante majorité d'entreprises prennent à leur charge l'indemnisation de ces jours de carence, via la souscription de contrats de prévoyance.

Raison pour laquelle le patronat plaide plutôt pour que les personnes en arrêt de travail ne puissent plus être indemnisées ni par leur employeur ni par la Sécurité sociale pendant un, voire plusieurs jours. Avec l'instauration de ces « jours de carence d'ordre public », les Français seraient forcément frappés au portefeuille en cas d'arrêt maladie. De quoi, selon le Medef et la CPME, les dissuader de lever le pied sans raison valable alors que l'absentéisme inquiète de nombreux employeurs. De quoi surtout permettre aux entreprises, qui financent souvent l'indemnisation des jours de carence, de faire des économies.

De fait, l'instauration d'un jour de carence d'ordre public est regardée de près aujourd'hui par le gouvernement. Emmanuel Macron avait déjà été tenté de l'imposer à l'automne dernier, sans suite alors. Pourquoi une telle solution ? Cela permettrait à l'exécutif de faire accepter aux entreprises une intervention moins rapide de la Sécurité sociale dans l'indemnisation des travailleurs. Et cela aurait un effet dissuasif sur les salariés qui abusent du système.

Sujet explosif

Pour les défenseurs d'une telle réforme, cela instaurerait aussi plus d'équité entre les salariés du privé et les fonctionnaires qui doivent déjà s'accommoder d'un jour de carence sans aucune indemnisation. Pour autant, la création d'un jour de carence d'ordre public suscite des interrogations sur le plan juridique : il n'est pas sûr que l'Etat puisse interdire une telle couverture dans le privé.

L'idée n'est pourtant pas nouvelle, elle avait déjà été évoquée dans un rapport remis au gouvernement en… 2019. Lequel renvoyait notamment à des travaux réalisés par l'administration en 2017 pour simplifier le calcul des indemnités et faire quelques économies au passage. Lors du précédent quinquennat, l'exécutif voulait déjà contenir les dépenses d'arrêts de travail, mais il avait renoncé à changer les règles du jeu devant la levée de boucliers.

Le sujet est toujours aussi explosif politiquement. Une moindre indemnisation des arrêts de travail promettrait d'être impopulaire. Elle serait d'autant plus difficile à défendre que l'augmentation récente du coût des arrêts peut être due à de nombreux facteurs. Pour l'expliquer, l'Assurance Maladie avait notamment pointé du doigt la revalorisation des salaires sur fond d'inflation qui gonfle les indemnités, la mise en place d'indemnités pour les professions libérales ou encore la grippe saisonnière.