Vous avez aimé les start-up de mesure carbone ? Voici leurs cousines, les start-up qui cherchent à mesurer l'empreinte de la biodiversité. Si le secteur en est encore à ses balbutiements, plusieurs jeunes pousses se positionnent sur ce créneau difficile, tant « la biodiversité » regroupe un champ très large de données et de mesures.L'une d'entre elles, Darwin, vient de lever 1,5 million d'euros auprès d'Asterion et de business angels. En miroir des logiciels carbone qui pullulent dans la French Tech, la start-up mesure les impacts des entreprises sur la biodiversité. Un travail titanesque. « A la différence du carbone, qui est fongible, un mètre cube d'eau n'a pas la même valeur en fonction des régions, selon qu'elle est soumise ou non au stress hydrique », souligne Aurore Falque-Pierrotin, cofondatrice de Darwin.La start-up cible les entreprises de manière indirecte en faisant le choix de travailler avec les consultants de cabinets spécialisés. Dans un second temps, elle vise les plateformes spécialisées dans le carbone cherchant à se développer sur la biodiversité. L'un des gros défis de cette jeune pousse, qui développe sa propre méthodologie, reste sur la collecte et le traitement de ces données, qu'il faut par ailleurs harmoniser. Deux autres start-up similaires, Nala Earth et Leeana, évoluent en Allemagne en ciblant directement les entreprises.Ce secteur, encore jeune, est propulsé par la CSRD, une directive européenne qui révolutionne le reporting extra-financier des entreprises, et introduit de nouveaux domaines comme la biodiversité. Même combat du côté des institutions financières, soumises à diverses réglementations. « Il n'y a pas de standard, ni d'outil, qui ressort sur la partie biodiversité. C'est encore très immature, chacun fait sa petite tambouille avec les fournisseurs de données auxquels ils ont accès », note Anne-Charlotte Roy, directrice ESG du groupe Hexagone, qui accompagne les investisseurs institutionnels sur les sujets liés à leur portefeuille financier. Quelques start-up ciblent néanmoins cette industrie, comme la française Iceberg Data Lab.

Plusieurs approches

Une kyrielle de jeunes pousses se sont lancées dans l'aventure, avec une approche calculatoire plutôt que de collecte de données, et des angles verticalisés. Pêle-mêle : Genesis (France) s'occupe de la notation de la santé des sols, Carbon Rewild (Royaume-Uni) opère une surveillance bioacoustique pour mesurer l'évolution de la biodiversité de groupes d'oiseaux, quand Seaviews (France) s'attaque aux milieux sous-marins. D'autres développent des projets de mesure satellitaire pour monitorer les forêts, comme Kanop (France). « Avec la CSRD, la biodiversité devient aussi un sujet d'entreprise. Des start-up se sont lancées sur la partie mesure, avec l'objectif de vendre ces outils aux développeurs de projets, comme des associations. Mais ces structures n'ont pas forcément le budget pour ce type de solutions technologiques, les start-up prennent donc de plus en plus l'angle réglementaire », analyse Xavier Lorphelin, associé chez Serena, un fonds de capital-risque. L'une des start-up les plus citées est la britannique NatureMetrics, qui prélève de l'ADN au sein des milieux naturels pour mesurer la biodiversité. Elle est en train d'évoluer vers un modèle de plateforme à destination des entreprises pour agréger différentes mesures et fournisseurs de données, grâce à des partenariats.

Selon un récent rapport sur la « nature tech » de Serena, l'écosystème reste en croissance. Dans le monde, les jeunes pousses ont levé 224 millions de dollars au premier semestre, soit presque l'équivalent des fonds levés en 2023. « La raison pour laquelle il y a autant de start-up, alors que marché est assez naissant, est à mon sens lié à la promesse du Graal des crédits biodiversité . Quand ce secteur sera mature, le marché aura besoin de technologies de mesure », analyse Aurore Falque-Pierrotin.

Pour l'instant, chacun évolue plus ou moins dans sa verticale. « A force, les start-up vont se rapprocher, ce ne sera pas forcément un 'winner takes all'. Il est tout à fait possible que le marché se spécialise par industrie, ou par type de zone couverte, par exemple », estime Xavier Lorphelin. Là aussi, en miroir des start-up de mesure carbone qui se consacrent de plus en plus à des secteurs spécialisés, comme la mode, la construction ou l'alimentaire.