Pour la candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine, Kamala Harris, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, tué par l'armée israélienne, était un « terroriste avec du sang américain sur les mains ».

On serait bien en peine de trouver une déclaration aussi claire de la part des officiels français, visiblement peu enclins à rappeler que l'Iran et son allié au Liban, le Hezbollah, sont accusés d'avoir tué 58 parachutistes français dans un attentat à Beyrouth en 1983, quelques minutes après avoir tué 241 soldats américains. Seul le Premier ministre Michel Barnier l'a évoqué mardi à l'Assemblée nationale.

La raison de cet « oubli » est évidemment diplomatique : la France et le Liban entretiennent des liens particuliers, et l'attentat ayant eu lieu il y a quarante et un ans, le réalisme géopolitique s'impose. Mais il n'y a pas que cela. Au-delà du désastre humain, une guerre entre Israël et l'Iran aurait des conséquences graves pour l'économie mondiale et surtout européenne.

« Un embrasement du Moyen-Orient est aujourd'hui un risque que l'on peut qualifier d'extrême pour la conjoncture européenne », estime Jean-Christophe Caffet, chef économiste de Coface. « Un blocage du détroit d'Ormuz serait une catastrophe puisque près d'un tiers du pétrole mondial transporté par la mer transite par cette voie, sans compter que 20 % du gaz naturel liquéfié, dont dépend l'Union européenne, y passe aussi , rappelle-t-il. Une guerre entre Israël et l'Iran perturberait grandement l'économie mondiale en faisant bondir les cours du pétrole et du gaz. »

Certes, une grande partie de ces hydrocarbures du Golfe est destinée aux marchés asiatiques, mais les prix sont mondiaux, ce qui pèserait inévitablement sur l'activité économique européenne. D'autant que le Vieux Continent peut difficilement s'approvisionner auprès de la Russie, qui continue sa guerre en Ukraine.

Deux ans après la crise énergétique et la flambée de l'inflation, l'UE aurait du mal à traverser un tel événement, ses entreprises et ses ménages étant déjà fragilisés. D'où les appels au calme lancés par les Européens.

Pour l'instant, force est de constater que les marchés ne croient absolument pas à un tel risque. Le baril de Brent se négociait en début de semaine aux alentours de 72 dollars à Londres, en repli de 12 dollars en trois mois. Il a toutefois grimpé à 73,75 dollars mardi, à la suite d'informations selon lesquelles l'Iran se préparait à frapper Israël avec des missiles balistiques.

L'Iran dépend aussi du pétrole

« Les marchés sont rassurés parce que la guerre à Gaza qui a commencé il y a un an n'a pas fait baisser la production de pétrole et qu'il y a aujourd'hui des capacités de production inutilisées, notamment en Arabie saoudite », explique Francis Perrin, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

« D'une part, les marchés sont aujourd'hui concentrés sur la situation économique peu brillante de la Chine, qui reste le premier importateur de pétrole au monde. Cela pèse sur les prix. D'autre part, aucun des grands acteurs n'a intérêt à un conflit d'ampleur », juge l'expert.

Avec son économie qui patine, la Chine est dans une position similaire à celle de l'Europe. Les Américains sont à un mois d'un scrutin présidentiel dans lequel l'économie va peser lourd. Les Saoudiens exporteraient nettement moins de pétrole en cas de guerre, puisque celui-ci passe en grande partie par le détroit d'Ormuz.

Et l'Iran, quatrième producteur de l'Opep + (qui en regroupe 22), produit 3,4 millions de barils par jour, sur lesquels son économie dépend entièrement. « Seule la Russie aurait intérêt à un blocage du détroit d'Ormuz et à une envolée des prix », résume Jean-Christophe Caffet. Cela lui permettrait de financer plus aisément son combat contre Kiev. Mais Moscou ne pèse pas énormément au Moyen-Orient.