Lever les freins juridiques. Conscient de la complexité, voire des conséquences parfois dommageables, de certaines réglementations pour les entreprises innovantes, l'exécutif veut faire mieux connaître France expérimentation. Ce dispositif permet d'obtenir des dérogations pour permettre à des projets innovants de voir le jour, même si la législation ne le permet pas en l'état.

Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, en a dressé le bilan lors du sommet Choose France. « Faciliter, accélérer et encourager les projets d'innovation en levant dès que possible les freins juridiques : c'est ce que fait France expérimentation », a-t-il expliqué. Un dispositif, selon lui, « unique en Europe, qui a déjà accompagné plus de 150 projets ».

Des dérogations réutilisables

Créé il y a plusieurs années, ce guicheta été mis en place au départ pour « flexibiliser le droit », afin d'éviter que les TPE et PME soient bloquées dans leurs projets par de longues analyses juridiques - quitte à ensuite faire profiter tous les acteurs économiques des dérogations obtenues. « Le droit évolue, certaines lois ont été conçues il y a dix ou quinze ans, sans anticiper les évolutions technologiques et les attentes de la société », explique-t-on au ministère.

Lancé par des communes de la Drôme autour de Saint-Julien-en-Quint, le projet Acoprev y a eu recours en 2019. Ses promoteurs souhaitaient monter un système d'autoconsommation collective d'énergie solaire photovoltaïque. « La loi n'autorisait alors les échanges d'électricité qu'entre consommateurs distants de moins de 2 km. Or la distance entre nos communes va jusqu'à 17 km », raconte Hubert Remillieux, un membre du projet. Le dossier débouche en octobre 2020 sur un arrêté autorisant des dérogations à 20 km en zone rurale. « La dérogation a depuis été utilisée par une trentaine d'autres projets, et une dizaine d'autres dossiers sont à l'étude », se félicite Hubert Remillieux.

Les projets éligibles doivent répondre à des préoccupations d'intérêt général, notamment en matière sociale, environnementale ou de santé publique. « Plus de la moitié des dossiers sont liés à la transition écologique et à l'économie circulaire », précise-t-on au ministère.

Normes mal rédigées

Utilisé à 90 % par de petites entreprises ou des start-up dans les territoires, le dispositif a aussi profité à de grands groupes. Le danois Novo Nordisk, spécialisé dans le traitement du diabète, l'a utilisé pour recycler le corps de ses stylos injecteurs d'insuline produits à Chartres, que le Code de la santé publique lui imposait d'incinérer. Sede Environnement, filiale de Veolia, y a aussi recouru pour expérimenter la réutilisation des eaux usées pour l'agriculture. « C'est un dispositif intéressant, mais il serait sans doute plus efficace que l'Etat arrête de produire des normes complexes et mal rédigées », relève l'avocat spécialisé dans le droit de l'environnement, Arnaud Gossement. « Mieux vaut aussi être déjà armé juridiquement pour avoir des chances de voir son dossier aboutir… » avertit-il.Le gouvernement a reçu à ce jour 400 dossiers, 150 ont abouti et donné lieu à une bonne dizaine de dérogations, utilisables par l'ensemble des acteurs économiques de l'Hexagone.