Au sens strict, un travailleur indépendant (TI) exerce une activité économique à son propre compte. Il choisit ses clients, sa tarification et gère lui-même son temps de travail. Par ailleurs, il ne doit pas exister de lien de subordination entre le demandeur et l'exécutant de la mission. De fait, un agriculteur, un commerçant, un travailleur exerçant une fonction libérale ou encore un artisan sont reconnus comme des TI.

« Il existe deux catégories de TI : les non-salariés (c'est-à-dire les gérants, les associés de SNC (société en nom collectif), les EURL, les microentreprises) et les assimilés salariés (autrement dit les PDG, les présidents de SAS ou SASU, les PDG ou présidents de SA et les gérants minoritaires de SARL). La première catégorie est la plus importante, car les microentreprises sont de plus en plus nombreuses », précise Catherine Léger-Jarniou, professeur émérite à l'université Paris-Dauphine. Créé il y a quinze ans par la loi du 4 août 2008, dite de modernisation de l'économie, le régime d'autoentreprise a fusionné en 2016 avec celui de microentreprise. C'est ce terme qu'il convient aujourd'hui d'utiliser.

De fortes disparités de rémunération

En 2022, l'Urssaf dénombrait 1,9 million de TI « classiques » contre 2,4 millions de microentrepreneurs administrativement actifs, soit 4,3 millions de travailleurs indépendants pour plus de 30 millions d'actifs. « C'est sa simplicité qui explique le succès de ce régime. Les ex-salariés et futurs entrepreneurs peuvent s'y inscrire facilement, la comptabilité est aussi simplifiée. C'est idéal pour les personnes qui souhaitent tester un projet », ajoute Catherine Léger-Jarniou.

« La grande majorité des gens qui se lancent sont motivés par un désir d'indépendance, de flexibilité et d'échapper aux process hiérarchiques des grandes structures », complète Arnaud Lacan, professeur de management et entreprises responsables à la Kedge Business School de Marseille. La période post-pandémie a vu le nombre de créations de microentreprises exploser, et même si, aujourd'hui, le rythme a tendance à ralentir, il va toujours croissant.

Tous les domaines d'activité sont concernés par ce phénomène : les services, la restauration, les nouvelles technologies, l'artisanat, etc. Le recours à des TI semble aussi être devenu incontournable pour les entreprises. « Qu'elles soient grandes ou de taille moyenne, elles ont toutes tendance à externaliser certaines missions, notamment les fonctions support, la communication, le codage et même les ressources humaines. Les phases de recrutement et le coaching, par exemple, sont de plus en plus délégués à des experts extérieurs », explique Arnaud Lacan.Les entreprises peuvent ainsi trouver des personnes qui correspondent exactement à leurs besoins sur une courte période. Qui plus est, comme les travailleurs indépendants travaillent auprès de plusieurs structures, ils contribuent à la diffusion des savoirs et des pratiques.

Toutefois, seulement la moitié des inscrits au régime de microentrepreneurs étaient économiquement actifs au deuxième trimestre 2023, selon l'Urssaf. « La rémunération moyenne d'un TI classique était de 46.000 euros en 2021, mais elle n'était que de 7.500 euros pour les microentrepreneurs. Ces moyennes cachent donc de fortes disparités », souligne Catherine Léger-Jarniou. En réalité, la majorité des revenus des microentrepreneurs proviennent souvent soit d'une activité salariée qu'ils ont conservée, soit d'indemnités chômage.

Concernant la parité, les femmes sont moins représentées parmi les indépendants, quel que soit le régime. Elles étaient 38 % parmi les TI classiques et 40 % parmi les microentrepreneurs en 2021. « Au niveau européen, elles ne sont que 35 % », relève Catherine Léger-Jarniou. Néanmoins, en tant que microentrepreneuses, les femmes sont proportionnellement davantage économiquement actives que les hommes, d'après l'Urssaf.

Des microentrepreneurs plutôt jeunes

Les autoentrepreneurs sont par ailleurs plus jeunes que les TI classiques. Près des trois quarts de ces derniers sont âgés de plus de 40 ans, tandis que plus de la moitié des autoentrepreneurs ont moins de 40 ans. « Cependant, le statut de travailleur indépendant peut correspondre à tout le monde : des plus jeunes qui souhaitent se lancer dans la vie active aux seniors qui, après plusieurs années en entreprise, se lancent dans consulting, par exemple. Les premiers vont pouvoir passer par des plateformes pour trouver des missions, quand les seconds peuvent activer directement leurs réseaux professionnels », rapporte Arnaud Lacan.Néanmoins, le développement des TI, et notamment des microentreprises, a aussi ses revers, à commencer par le recours à des free-lances plutôt qu'à des salariés par certaines sociétés, accentuant la précarité d'une partie des travailleurs. Ensuite, « les microentreprises créent de la valeur localement, mais elles évoluent rarement en vraies belles PME, créatrices d'emplois », appuie Catherine Léger-Jarniou.Elles ne servent pas la compétitivité de la France par rapport à des pays comme l'Allemagne, dont la force économique repose en grande partie sur ses petites et moyennes entreprises. En termes d'innovation et d'investissement, les TI ne font pas le poids.