En finir avec la paperasse pour redonner du temps aux entrepreneurs. L'objectif affiché du projet de loi de « simplification de la vie économique », en discussion depuis lundi soir dans l'hémicycle au Sénat, fait largement consensus. Mais la méthode et les choix du gouvernement sont loin de convaincre les élus de la chambre haute.En commission spéciale la semaine dernière, les sénateurs ont torpillé plusieurs mesures phares du texte. Ils ne devraient pas être plus conciliants lors de l'examen en séance. Alors qu'un vote solennel est prévu le 11 juin, près de 600 amendements ont été déposés.

Bulletin de la discorde

Le désaccord le plus symbolique entre l'exécutif et le Sénat porte sur le « bulletin de paie simplifié ». Le texte du gouvernement prévoyait la mise en place d'un bulletin allégé, passant de 55 lignes à une quinzaine en n'y faisant figurer que les principaux agrégats. Pour Bruno Le Maire, les salariés visualiseraient mieux le poids relatif des différents prélèvements qui amputent leur salaire brut. Et dans un texte par ailleurs technique et fourre-tout, le ministre de l'Economie a fait de cette mesure facilement compréhensible un marqueur.

Mais au Sénat, son « bulletin de paie simplifié » a fait l'unanimité contre lui. La gauche le soupçonne de vouloir mettre en évidence les cotisations sociales pour mieux les rogner par la suite. La droite dénonce une mesure de complexification et une charge pour les entreprises, qui devraient dans un premier temps produire deux bulletins - un simplifié et un détaillé. En commission, les sénateurs se sont donc débarrassés de la mesure. Mais le gouvernement compte bien revenir à la charge. Il va également batailler pour rétablir plusieurs articles - caviardés de la même façon avant l'examen en séance - qui devaient autoriser le gouvernement à simplifier certaines procédures par ordonnance, sans avoir à consulter à nouveau le législateur.L'exécutif voulait avoir les coudées franches pour faire le tri par exemple dans les formulaires Cerfa (qu'il s'est engagé à supprimer d'ici à 2030, après en avoir fait disparaître 80 % d'ici à 2026), mais aussi pour fournir aux entreprises davantage de rescrits (des positions officielles de l'administration sur des sujets sociaux et fiscaux), ou encore pour mettre à plat le droit des « contrats spéciaux » (les opérations qui dérogent au droit des contrats, telles que la vente, l'échange, le bail, etc.). « Sur le principe, on ne peut qu'être favorable », a expliqué la sénatrice LR Catherine Di Folco, rapporteuse de la commission spéciale. Mais de là à autoriser pendant un an et demi, voire deux ans, le gouvernement à agir à sa guise sans qu'il ait défini le contour des réformes prévues, il y a un sacré pas. Surtout dans un contexte où le Parlement se plaint souvent d'être mis sur la touche par l'exécutif. « Nous faisons le choix de l'ordonnance quand le travail est fastidieux, long et technique », a justifié Bruno Le Maire devant la commission spéciale. Sans convaincre les sénateurs, alignés derrière la formule lapidaire de Catherine Di Folco : « L'objectif légitime de simplification ne saurait justifier un tel contournement du Parlement. »

Un vote assuré

Pour amadouer les sénateurs, le gouvernement a déjà accepté de modifier le « test PME » pour s'aligner sur les propositions du Sénat - « judicieuses », selon Bruno Le Maire - prévoyant d'instaurer un Haut Conseil indépendant de chefs d'entreprise de toutes tailles pour examiner les nouvelles normes. L'exécutif est prêt à réduire certains délais d'habilitation à réformer par ordonnances. Il pourrait aussi renoncer à la suppression de la Commission supérieure du numérique et des postes, qu'il voit comme un doublon de l'Arcep et du CNNum au grand dam des élus qui y siègent.Surtout, en dépit de ces « irritants », le projet de loi ne comporte pas de mesures très politiques et a toutes les chances d'être adopté par le Sénat. Il reviendra ensuite à l'Assemblée nationale début juillet, où le gouvernement pourra tenter de rétablir les mesures éventuellement supprimées.