Dans le monde des start-up, un revirement stratégique n'est pas toujours bien vu. Il traduit pourtant une capacité entrepreneuriale à changer de braquet quand le précédent modèle n'a pas eu les résultats escomptés.

C'est le cas de Collective, une start-up spécialisée dans la création de collectifs de travailleurs indépendants et la monétisation auprès d'entreprises, qui se réinvente trois ans après sa création en lançant un réseau social à destination des free-lances. « Les collectifs ont vocation à perdurer, mais les free-lances restent encore embryonnaires chez les grands comptes, donc les collectifs, encore plus », analyse Jean de Rauglaudre, le cofondateur de la start-up. Ce qui est moins embryonnaire, en revanche, c'est l'explosion des réseaux sociaux et notamment professionnels, grâce à l'extraordinaire croissance de LinkedIn, le réseau chouchou des cadres et des start-up, qui vient de dépasser le milliard d'utilisateurs. Des chiffres qui font passer la plateforme dans une autre dimension et dans un marché de masse.

Collective vise ainsi une population spécifique, pour les accompagner à renforcer leur réseau, communiquer, décrocher des missions et utiliser des outils de collaboration et de facturation. Ce dernier élément est l'un des héritages de l'offre historique de la start-up.Pour l'instant, Collective n'aura pas de « feed » (un fil d'actualité, comme sur LinkedIn). « Nous avons besoin de développer les logiques de connexion et de réseau entre les membres avant de le mettre en place, sinon, le risque est que ce flux reste lettre blanche », indique l'entrepreneur.

Côté recruteurs, ils pourront créer des listes, faire des recherches personnalisées et contacter les free-lances, à l'image des offres « premium » de LinkedIn. A terme, néanmoins, l'ambition est de cibler une plus grande communauté. Comme par le passé, Collective ne prend pas de commission sur les missions réalisées, à l'inverse des plateformes d'indépendants comme Malt ou Le Hibou. Mais elle facture l'utilisation des outils des free-lances et va développer des offres payantes pour les recruteurs. Ces derniers, pour l'instant, ne seront pas facturés. Pour réussir, les réseaux sociaux misent d'abord sur le volume d'utilisateurs avant de développer un modèle payant.

Modération

Pour l'instant, près de 500 recruteurs sont bêtatesteurs du réseau social. De l'autre côté, Collective revendique 20.000 free-lances inscrits. « La commission à 0 % intéresse beaucoup. On casse un peu le marché », estime le patron. Les lancements de réseaux sociaux nécessitent néanmoins d'avoir les reins solides pour réussir à créer une communauté suffisamment importante avant de pouvoir la monétiser. « Un réseau social est un modèle risqué, mais s'il réussit, le retour potentiel est élevé », poursuit-il.Pour susciter l'intérêt, la start-up mise sur le bouche-à-oreille, mais aussi des investissements marketing. Collective avait collecté 7 millions d'euros en 2022 et assure qu'il lui reste encore de la trésorerie. Le reliquat de son modèle d'outillage pour les free-lances lui permet d'engranger encore du chiffre d'affaires, mais la start-up prévoit de relever des fonds en fin d'année et de se développer dans des villes prisées des free-lances, comme Barcelone. En cas de succès, l'autre enjeu réside dans la modération des contenus et des échanges. La start-up va « surveiller » les sollicitations des membres, mais sans modération, pour l'instant.