Pandémie, crise énergétique, inflation… Les 24 millions de PME européennes souffrent et elles ont enfin réussi à se faire entendre à Bruxelles. La Commission européenne a présenté ce mardi un train de mesures destinées à éliminer, ou plutôt atténuer, les obstacles qui les freinent.

Du paiement des factures en temps et en heure à l'allégement des charges administratives, en passant par un meilleur accès aux financements et aux compétences, l'Union européenne s'attaque à plusieurs maux qui compliquent la vie de ces entreprises depuis des années.

Alors qu'elles commencent tout juste à se remettre du cataclysme causé par le Covid, elles restent fragiles. Après avoir reculé de 2,5 % depuis la pandémie, leur valeur ajoutée va encore baisser de 1 % en 2023, prévoit Bruxelles. Surtout, leurs emplois, qui représentent 64 % des emplois totaux du secteur privé (non financier), vont stagner cette année, alors que les PME avaient retrouvé leur niveau d'avant crise.

Les pouvoirs publics, pires payeurs

Mesure phare du dispositif, la loi européenne sur les retards de paiements va être révisée. Aujourd'hui, seules 40 % des plus de 500 factures émises chaque seconde en Europe sont payées à temps. En cause : les pouvoirs publics, pires payeurs, suivies des grandes entreprises. Les PME sont parfois contraintes d'emprunter de l'argent pour couvrir les retards de paiements… quand elles ne font pas faillite. « On connaît les pratiques des grands groupes qui utilisent le réseau de PME qui les fournissent pour amortir ou mieux réguler leur besoin de trésorerie. C'est inacceptable, inadmissible ! » a martelé Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur. Pour endiguer ce fléau, la Commission va interdire tout délai de paiement supérieur à trente jours et automatiser le paiement de frais compensatoires et d'intérêts, en cas de retard. Le taux des intérêts de retard sera 8 % plus élevé que les taux de référence de la Banque centrale européenne (BCE). Et le montant de l'indemnité forfaitaire va passer de 40 à 50 euros par transaction commerciale payée en retard. Les Etats membres seront priés de mettre en place des autorités chargées de veiller à l'application des règles, qui imposeront des sanctions aux mauvais payeurs.S'il devient plus facile de faire des affaires en Europe, les PME s'y développeront plus, dopant l'économie. Partant de ce principe, l'UE entend simplifier les démarches administratives. Bruxelles prévoit de lancer une plateforme numérique unique qui centralisera, pour toutes les autorités publiques, données et documents des entreprises. La Commission va aussi nommer un « porte-parole » des PME directement rattaché à sa présidence, pour défendre leurs intérêts. « A terme, la Commission va rationaliser de 25 % le reporting des entreprises. Mais cela va prendre du temps », prévient-on à Bruxelles.

Corpus unique de règles fiscales

Une autre simplification porte sur la mise en place d'un corpus unique de règles fiscales pour les entreprises en Europe, alors que les systèmes sont multiples d'un Etat membre à l'autre. L'UE propose qu'elles puissent utiliser, à l'avenir, un seul ensemble de règles, celles du pays d'origine et donc déposer une seule déclaration fiscale, même quand elles ont des filiales dans différents pays. « Une révolution copernicienne ! Nous n'harmonisons pas la fiscalité des PME, mais nous cherchons un système qui permette d'éviter la paperasse », selon un haut fonctionnaire.Prenons le cas d'une entreprise portugaise qui exporte vers l'Autriche, les Pays-Bas, l'Italie et la France : demain, l'assiette fiscale serait calculée avec les règles portugaises. Et les quatre pays devraient communiquer les taux devant être appliqués par le Portugal aux activités réalisées sur leur territoire. Le Portugal collecterait ensuite la taxe au nom de ces pays et la leur enverrait. « Les PME dépensent 2,5 % de leur chiffre d'affaires à se mettre en conformité pour payer leurs impôts, soit trois ou quatre fois plus que les grandes entreprises », a expliqué Paolo Gentiloni, le commissaire européen à l'économie, estimant que ces mesures feront baisser « d'un tiers » ces coûts. Elles devront toutefois être approuvées à l'unanimité des Etats membres comme toujours en matière de fiscalité. Ce qui est loin d'être acquis…Un cadre anti-abus est prévu pour éviter les délocalisations dans les Etats membres où les conditions sont plus avantageuses. Seules les PME ayant leur siège depuis au moins deux ans dans le même pays seront éligibles. Et leurs revenus devront être supérieurs à ceux générés dans les autres Etats membres. Par ailleurs, plusieurs des mesures présentées visent à faciliter l'accès des PME à un personnel qualifié, aux marchés publics, ou encore au transfert d'entreprises (droit de succession notamment). Au total, l'UE espère un effet de 0,7 % par an sur le PIB, d'après des estimations qualifiées de « prudentes ».