Le temps où le fisc choyait les entreprises est-il révolu ? Les récents événements le laissent penser. Aux Etats-Unis, par exemple, une victoire de Kamala Harris à la présidentielle le mois prochain pourrait aboutir à un relèvement de 21 % à 28 % du taux d'impôt sur les sociétés (IS). Donald Trump, lui, voudrait continuer à assouplir la fiscalité des entreprises pour ramener ce taux de 21 % à 15 %.

En France, face au mur de la dette, le nouveau gouvernement devrait annoncer une surtaxe d'IS pour les grands groupes. Depuis son accession à l'Elysée en 2017, Emmanuel Macron avait fait passer l'IS de 33,3 % à 25 %. En Italie, Giorgia Meloni évoque de son côté une taxe de 40 % sur les superprofits des banques

« Améliorer l'équité au sein du système fiscal »

De manière générale, de plus en plus de gouvernements se dirigent vers une augmentation de la fiscalité des entreprises. C'est ce que remarque l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son rapport sur les réformes des politiques fiscales, publié lundi. « La tendance à la baisse des impôts observée pendant la pandémie de Covid-19 et la période de forte inflation qui a suivi montre des signes de ralentissement ou d'inversion », écrivent les auteurs du document.

C'est la première fois depuis 2015 que ce renversement peut être observé. « Ce changement reflète le besoin de recettes supplémentaires et un effort pour améliorer l'équité au sein du système fiscal », poursuit l'OCDE. En clair, on passe d'une gestion de crise après les chocs de 2020 (Covid-19) et 2022 (guerre en Ukraine et inflation) à une vision de long terme où il faudra faire face au vieillissement démographique et à la transition énergétique. L'heure est donc plutôt à l'augmentation des taux d'imposition et à l'élargissement de l'assiette fiscale pour la plupart des types d'impôts dont s'acquittent les entreprises, relève l'Organisation.Pour l'ensemble des 141 pays étudiés, le taux moyen de l'impôt sur les sociétés était de 21,1 % en 2023 contre 20 % l'année précédente. Il était de 28,2 % en 2000. Six pays ont alourdi leur fiscalité. La République tchèque et l'Estonie, par exemple, ont augmenté de 2 points à 21 % et 22 % respectivement leur taux d'IS. La Slovénie l'a porté de 19 à 22 % tandis que la Turquie a procédé à un relèvement de 5 points. La plupart des entreprises turques supportent un taux de 25 % désormais.

A ce relèvement de l'IS, l'OCDE souligne également la mise en place progressive de l'impôt minimum mondial au regard del'accord intervenu à l'automne 2021 d'instituer un taux effectif d'imposition minimum de 15 % sur les profits des multinationales. En avril dernier, 60 pays avaient annoncé qu'ils envisageaient de le mettre en oeuvre ou prenaient des mesures en ce sens. Au total, 36 pays comptent l'appliquer cette année.

Pour le secrétaire général de l'OCDE, Mathias Cormann, il y a « un changement d'orientation de l'action publique qui devrait se poursuivre » pour libérer des marges de manoeuvre budgétaire nécessaire à l'avenir. Les besoins financiers liés à la transition énergétique et au vieillissement de la population ne laissent guère le choix alors que bon nombre de pays développés font face à des situations de surendettement. Le grand mouvement de la baisse de la fiscalité des vingt dernières années toucherait donc à sa fin.