Même s'il est trop tôt pour en déduire une tendance sur l'année, les derniers chiffres du ministère du Travail sur l'apprentissage sont encourageants. Ils sont en tout cas inattendus compte tenu de la relative atonie de l'activité économique : le nombre de contrats a progressé de 12,4 % en cumul de janvier à avril sur un an. La progression est d'autant plus notable que les entrées avaient déjà bien augmenté sur la même période de l'année dernière, ce qui écarte tout « effet de base » pour expliquer un tel dynamisme.

Plus de 71.600 jeunes se sont engagés sur les quatre premiers mois de l'année dans cette voie de formation alliant théorie en centre de formation (CFA) et pratique en entreprise. Compte tenu des contrats arrivés à terme ou interrompus, on comptait un peu moins de 991.000 apprentis au 30 avril.Les gros bataillons d'apprentis s'enrôlant au deuxième semestre, il faut rester prudent avant d'extrapoler sur l'année, sans oublier les conséquences de la dissolution de l'Assemblée sur l'économie, et donc sur les embauches. Interrogée, la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir), dont les 620 adhérents revendiquent de former 650.000 jeunes, a bien constaté ce dynamisme mais ne sait pas très bien l'expliquer.

Prudence de mise

« Cela reste dynamique mais ce n'est pas une explosion », tempère Stéphanie Lagalle-Baranes, la directrice générale de l'opérateur de compétence (Opco) 2i, qui regroupe 29 branches de l'industrie. Sur le périmètre de l'Opco 2i, la progression du nombre d'entrées ressort à 6 % sur les cinq premiers mois de l'année. Soit le double de l'objectif que s'est fixé son conseil d'administration pour 2024, mais ce chiffre cache des situations différentes d'un secteur industriel à l'autre, ou d'une région à l'autre. Pas question donc pour l'instant de revoir l'objectif, ajoute-t-elle.De son côté, pour l'Opco EP des entreprises de proximité (54 branches professionnelles, un contrat d'apprentissage sur cinq), le premier semestre est plutôt stable avec un peu moins de 47.000 contrats engagés. « Nous en attendons entre 165.000 et 170.000 cette année, en léger tassement par rapport à 2023 », indique le directeur des opérations, Fabien Roullet.

Depuis une dizaine de jours, les appels des entreprises abondent pour préparer les recrutements de jeunes à la rentrée, ce qui laisse à penser qu'elles n'ont pas changé leurs pratiques malgré l'incertitude politique. Le dynamisme des entrées en apprentissage sur les quatre premiers mois de l'année atténue la crainte d'un retournement de tendance. Depuis la réforme Pénicaud de 2018, l'apprentissage a connu un essor exceptionnel. Mais le millésime 2023 s'est terminé sur un gros coup de frein (+3 %) et on pouvait attendre à ce qu'il ne se poursuive au début de cette année.

140 millions d'économies

Le ministère du Travail poursuit les réflexions sur la réforme de la formule de calcul des coûts-contrats, c'est-à-dire des forfaits (par diplôme) versés aux CFA pour couvrir les frais pédagogiques de chaque apprenti. Cette refonte était censée s'intégrer à la loi travail promise par le gouvernement Attal au second semestre.En attendant, un décret a été publié le week-end dernier révisant à la baisse certains coûts-contrats pour une application à partir du 15 juillet. Cette nouvelle grille doit dégager 140 millions d'économies pour France compétences. L'autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l'apprentissage a prévu près de 10 milliards pour le financement des CFA dans son budget 2024.