Avec l'allongement des carrières induit par le relèvement de l'âge de la retraite, l'enjeu de la place des seniors dans le monde du travail prend encore plus d'importance. Cela n'a pas échappé au Défenseur des droits et à l'Organisation internationale du travail, qui ont choisi de centrer sur ce sujet la 17e édition de leur baromètre annuel sur la perception des discriminations dans l'emploi, dont « Les Echos » révèlent en exclusivité les résultats.

Le sondage réalisé par CSA auprès d'un échantillon représentatif de 2.284 personnes de 18 à 65 ans cette année permet de mesurer l'ampleur du problème. Un quart des actifs de 50 à 65 ans interrogés - en emploi ou au chômage - déclarent en effet avoir personnellement été victimes de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans leur cadre professionnel.

Difficultés cumulées et contexte très anxiogène

A première vue, le phénomène doit être relativisé : c'est moins que les plus jeunes, qui sont 31 %. Mais il faut compter avec un effet générationnel important, car les moins de 50 ans sont davantage sensibilisés sur le sujet et ont des exigences plus fortes en la matière que leurs aînés, souligne le baromètre. De surcroît, signe d'un contexte jugé très anxiogène, lorsqu'on les interroge sur le futur, six actifs seniors sur dix craignent de subir des discriminations en lien avec leur âge.Pour certains, les difficultés se cumulent. Les proches aidants, les personnes en mauvaise santé, les femmes… Mais la différence la plus forte concerne l'origine. Les salariés âgés perçus comme non blancs sont en effet près de deux fois plus nombreux que les autres à évoquer des discriminations (46 % contre 22 %), selon le sondage de CSA.Plus globalement, l'environnement professionnel est perçu par beaucoup de quinquagénaires et sexagénaires comme peu bienveillant. La moitié des actifs de 50 ans et plus se disent inquiets quant à leur avenir professionnel et un cinquième de ceux qui sont en emploi ont peur de le perdre. La moitié aussi déclare avoir ressenti un manque de reconnaissance ou une dévalorisation de son travail et de ses compétences. Le baromètre y perçoit le reflet de « l'ampleur et la normalisation des stéréotypes qui véhiculent notamment l'image de seniors manquant de dynamisme, dépassés par les nouvelles technologies et difficiles à intégrer dans des équipes plus jeunes ».

Limitation des perspectives de promotion

Signe de ce poids des stéréotypes, dans 38 % des cas, les discriminations sont vécues « dans le quotidien du travail ». Plus d'un senior sur cinq évoque un problème d'évolution dans leur carrière. Il y a une forme de « plafond d'âge » qui limite leurs perspectives de promotion ou de mobilité, avec souvent le choix d'une personne plus jeune au final. « Leur expérience n'est plus un atout mais un handicap du fait de leur salaire plus élevé », est-il relevé.Au-delà de ces différences, les ruptures dans la vie professionnelle sont fréquentes chez les actifs seniors. Licenciement, démission, rupture conventionnelle ou même d'un long arrêt maladie…

33 % des seniors interrogés ont été récemment touchés et, parmi eux, 23 % pensent que c'était lié à leur âge. Le contexte est anxiogène pour beaucoup d'actifs âgés, tandis que les entreprises sont peu nombreuses à s'emparer du sujet. Près d'un senior sur quatre souligne avoir été discriminé lors d'un recrutement, d'un concours ou d'un stage.

Et parmi ceux qui ont eu des difficultés avec leur employeur, « seul un sur deux considère que ce dernier a été à l'écoute ». Et 29 % se sont vu proposer un aménagement des conditions ou du poste de travail, 24 % un aménagement du temps de travail, 9 % un suivi par le médecin du travail, 9 % une reconversion professionnelle, 5 % un départ anticipé en retraite, 7 % une rupture conventionnelle. Les 29 % restants ne se sont rien vu proposer du tout…