Ce n'est pas parce que d'importants clignotants conjoncturels passent au vert (pâle) que toute l'économie avance d'un même pas. Un signal inquiétant perdure : les défaillances d'entreprises ne cessent de progresser. Et qui dit hausse des faillites dit tensions sur l'Assurance garantie des salaires (AGS). Des tensions qui vont s'accentuer cette année et pourraient conduire à avancer de quelques mois une hausse de la cotisation qui la finance.

Le régime, financé par les entreprises et géré par le patronat (Medef et U2P seulement depuis le départ de la CPME), assure depuis cinquante ans aux salariés le versement de leur salaire même lorsque leur entreprise est placée en redressement judiciaire ou, pire, met la clé sous la porte.

Embellie artificielle

Avec le coup d'arrêt aux faillites dû au « quoi qu'il en coûte » pendant le Covid, les finances de l'AGS ont connu une embellie artificielle. Mais depuis, la situation s'est dégradée. « Sur l'ensemble de 2023, l'AGS est intervenue dans plus de 23.600 affaires, soit un niveau supérieur à celui observé au cours des années précédant la pandémie. Il faut remonter à 2016 pour observer un nombre d'affaires ouvertes plus élevé », notait le régime en début d'année, pointant en outre une augmentation du nombre de bénéficiaires « de 61 % sur l'ensemble de l'année 2023 ». La situation ne s'est pas arrangée depuis. Au premier trimestre 2024, le nombre d'affaires ouvertes par l'AGS a progressé de près de 20 % par rapport à la même période de 2023, le nombre de bénéficiaires augmentant, lui, de 27 %. Au total, le montant des avances versées par l'AGS a atteint 497 millions d'euros. Et avril a été encore plus mauvais que les trois mois précédents : 186,4 millions d'euros ont été avancés, un montant en hausse de 28,3 % par rapport au même mois de 2023. « Si on reste sur la dégradation observée depuis le début de l'année, qui s'est encore amplifiée en avril, on va vers un montant total d'avances de 2 milliards à 2,1 milliards d'euros en 2024, contre 1,7 milliard en 2023 ; si ça continue à se dégrader, dès juin, il faudra se reposer la question d'une hausse de cotisation », explique Christian Nibourel, le président de l'AGS. Une première augmentation de 0,05 point a déjà eu lieu le 1er janvier dernier, portant la contribution à l'Assurance garantie des salaires à 0,20 %.

Une hausse sèche pour les entreprises, le récent échec de la négociation entre les partenaires sociaux sur l'emploi des seniors et les reconversions professionnelles ayant signé la mort d'une baisse équivalente sur la cotisation chômage des employeurs négociée avec les syndicats.

Filet de sécurité

Compte tenu de la dégradation de la situation depuis plusieurs mois, la perspective d'une nouvelle augmentation était déjà dans les tuyaux. Mais cette nouvelle hausse de 0,05 point était envisagée à l'automne. Il est probable qu'elle soit avancée à cet été, on évoque août. Et elle pourrait ne pas être la dernière de l'année.

La crise du Covid a permis au régime de renforcer sa trésorerie, et de faire face pour 2024, avec en filet de sécurité la ligne de crédit de 500 millions d'euros ouverte à cette époque qui a été maintenue. Mais une troisième augmentation de 0,05 point pourrait être nécessaire si la dégradation continuait à s'amplifier, comme le laisse à penser la contre-performance d'avril. Cela porterait la cotisation à 0,25 %, son niveau de janvier 2016.