Réguler ce nouveau « Far West ». La proposition de loi sur les influenceurs qui vient d'être votée au Sénat, après l'Assemblée nationale, cherche à éviter les dérives très médiatisées de cet univers. Comme le note Amel Gacquerre (Union centriste), la rapporteuse du texte au Sénat, « beaucoup de choses étaient déjà des lois préexistantes, il fallait toutefois renforcer le cadre et faire preuve de pédagogie ». Le texte, qui est à la fin de son parcours législatif - avant une commission mixte paritaire, qui devrait ne le modifier qu'à la marge - vise 150.000 influenceurs, qu'ils aient quelques dizaines ou des millions d'abonnés.Le principal changement visible porte sur la mention « publicité » qui doit être apposée, durant toute la durée d'une séquence de promotion. « Désormais, ce sera clairement écrit, résume Mohamed Mansouri, directeur délégué de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité. Et cela s'applique dès que l'influenceur est payé ou même s'il reçoit gratuitement un produit ou un service dont il fait la promotion. On risque de perdre en spontanéité. » Cette disposition fait hurler le Syndicat du Conseil en Relations Publics, pour lequel le texte risque de concerner aussi les journalistes (qui testeraient une voiture, un produit de beauté…) ou même les élus invités gratuitement… L'argument est toutefois balayé par le Sénat, assurant que la loi ne s'applique qu'aux influenceurs. Parallèlement, elle oblige à mentionner si une image est retouchée ou réalisée par une intelligence artificielle.La proposition de loi des députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta avait déjà introduit plusieurs interdictions, comme sur la promotion de la chirurgie esthétique. Le Sénat a ajouté les sachets de nicotine, la promotion de l'abstention thérapeutique, mais aussi - et c'est plus large - celle d'actes ou médicaments portant atteinte à la santé publique (comme des médicaments détournés à des fins d'amaigrissement). Sur le volet de l'alimentation et de l'alcool, les sénateurs n'alourdissent pas les contraintes, malgré certains amendements. La loi Evin doit cependant être respectée.

Des sanctions durcies

Parallèlement, le législatif interdit la promotion d'abonnements à des pronostics sportifs - alors que d'anciens sportifs proposaient des conseils rémunérés. Sur la question des cryptomonnaies, le Sénat a été moins restrictif que l'Assemblée en autorisant la publicité, sous conditions. « Les influenceurs avaient menacé d'aller s'expatrier au Luxembourg », remarque un spécialiste.En cas de manquement, les sanctions ont été durcies : deux ans de prison et 300.000 euros d'amende. « Toute la question sera de savoir si des sanctions importantes seront prononcées dans les prochains mois ou si la loi ne sera juste qu'un effet d'annonce », note Yaël Cohen-Hadria, avocate chez EY. Surtout, la loi prévoit une responsabilité conjointe des marques et des influenceurs. « Nous regrettons qu'il n'y ait pas d'obligations sur les plateformes elles-mêmes », déplore Carine Fernandez, présidente de l'Union des métiers de l'influence et des créateurs de contenu. Quant aux influenceurs basés à Dubaï, régulièrement pointés du doigt, ils devront désigner un représentant légal dans l'UE.