La loi Agec n'en finit pas de faire des petits. Aussi connue sous le nom de « loi antigaspi », elle impose depuis le 1er août la fin de l'impression systématique du ticket de caisse chez les commerçants. Une mesure qui ouvre la voie à des alternatives, en particulier à la dématérialisation.

Plusieurs start-up se positionnent et vendent globalement la même chose, mais adoptent des solutions et modèles différents. Mangoo ID, par exemple, active depuis 2016, privilégie le mail, même si elle propose aussi des solutions de QR code et de SMS pour recevoir son ticket de caisse. A cela, l'entreprise rajoute des services marketing destinés à son client, le magasin, souvent des grandes chaînes. Billiv, elle, travaille plutôt avec les petits et moyens commerçants et mise sur le QR code, qui offre une expérience utilisateur plus fluide que le mail, par exemple. Mais dans les arguments avancés, le ticket de caisse serait presque secondaire, le coeur du modèle reposant sur des services de fidélisation (points fidélité, avis…).

« Le QR code arrive à un moment clé pour l'utilisateur car nous retenons son attention sur son téléphone. Cela apporte de la valeur pour les retailers, ce qui nous permet par exemple de multiplier par cinq le nombre d'avis collectés », glisse Lena Crolot, la cofondatrice.

Enfin, Killbills, adopte peut-être le modèle le plus ambitieux, en renversant la mécanique du ticket de caisse. C'est l'idée d'avoir accès à son ticket et au détail directement via son application bancaire. Les clients de la start-up sont alors les banques et le service est proposé gratuitement aux commerçants.A date la start-up a noué des partenariats avec deux néobanques destinées aux professionnels, beaucoup plus simples à convaincre. L'idée ici est de faciliter la dématérialisation des notes de frais pour les clients, avec une commission prélevée au ticket émis.

La question centrale des données personnelles

Le service aux particuliers devrait naître d'ici à la fin 2024, la start-up étant « en discussion avec deux grosses banques traditionnelles », indique Sid-Ahmed Chikh-Bled, le patron. En attendant, la start-up a un gros enjeu de maillage du territoire (banques et commerçants), raison pour laquelle sa récente levée de fonds de 2,2 millions d'euros va se concentrer sur le développement d'une force commerciale. Son service permet aux banques d'avoir accès à une donnée plus fine et précise, et de développer à terme, par exemple d'autres services, comme du cashback. « Il est alors dans l'intérêt des banques d'offrir des services intéressants pour leurs clients, pour qu'ils consentent au partage de leurs données », poursuit le patron.

La question des données est aussi centrale, en particulier du côté des consommateurs. A ce sujet, la CNIL indique que « les solutions à privilégier sont celles qui permettent aux personnes de récupérer leurs tickets de caisse sans transmettre leurs données de contact aux commerçants », notamment le QR code. « Notre client, c'est l'enseigne. On répond à ses problématiques et à ses besoins », reconnaît d'entrée Charlie Chelli, le cofondateur de Mangoo ID. « Il va pouvoir réduire le coût que représente le papier, améliorer son image de marque grâce à l'expérience digitale de ses clients, faciliter les échanges et les retours », avance-t-il. Et la collecte des données ? « C'est aussi un argument, un moyen pour eux de récupérer les adresses mails de leurs clients, en accord avec le règlement RGPD. » Pour les solutions où les informations transitent par les start-up, certains retailers, notamment les plus grands acteurs, pourraient être réticents à l'idée de partager leurs données à des tiers. « Comme il y a de multiples modèles, avec leurs défauts et avantages, la question sera de savoir lequel va pouvoir émerger. Dans tous les cas, l'enjeu pour ces start-up est aujourd'hui de réussir à développer un réseau suffisamment important de marchands », remarque Marie Ferri, investisseuse chez Daphni, qui a beaucoup observé ces modèles. Sur cet aspect, la réglementation apparaît alors comme un puissant accélérateur.