Le marché de l'emploi ralentit dans son ensemble ; celui des cadres n'échappe pas à la tendance. Sans que l'on puisse encore déceler un retournement après les deux années euphoriques post-Covid, en témoignent des tensions de recrutement pour ces profils toujours très élevées. C'est ce qui ressort du dernier baromètre conjoncturel publié jeudi par l'Association pour l'emploi des cadres (Apec).

A 123.200 au troisième trimestre, le nombre d'offres d'emploi déposées sur le site de l'association a reculé de 13 % par rapport à la même période de l'année dernière, et de 4 % sur deux ans. Avec des écarts importants d'une région à l'autre (il est par exemple plus marqué en Ile-de-France qui concentre la moitié des postes).

Pas de retournement

« Même si l'on reste au-dessus du niveau d'avant-crise, on s'en rapproche », a pointé le directeur général de l'Apec, Gilles Gateau lors d'un point de presse. On s'en rapproche d'autant plus que sur le seul mois d'octobre, le recul s'est amplifié (-16 %) par rapport il est vrai à une fin d'année 2022 très dynamique. « Si on descend en dessous, alors on pourra parler de retournement », a-t-il ajouté, sachant que la fédération Prisme du travail temporaire ou Syntec (numérique, ingénierie, conseil, événementiel et formation) dressent le même constat.

Autre signe d'atterrissage, le pourcentage d'entreprises prévoyant d'embaucher au moins un cadre d'ici à la fin de l'année est tombé à 10 % en septembre. Soit deux points de moins qu'en juin, quatre de moins qu'en décembre dernier. L'un dans l'autre, le millésime 2023 aura du mal à égaler le record de 2022 avec 308.000 embauches en CDI ou CDD de plus d'un an, comme l'Apec l'anticipait en avril.

La situation des cadres, dont la population est estimée entre 3,9 et 4,4 millions, reste toutefois très enviable. Corrélée à l'investissement des entreprises, leur part dans l'emploi salarié privé ne cesse de grimper : elle était de 19 % en 2020, 5 points de plus en quinze ans, montre un portrait statistique de cette population publié jeudi.

Mesuré par l'Insee, leur taux de chômage était de 4,1 % en 2022, et devrait avoisiner les 3,5 % cette année, même si les seniors continuent de souffrir d'un certain ostracisme de la part des employeurs.

Les jeunes ont la bougeotte

Campagne médiatique à l'appui notamment, l'Apec a pris son bâton de pèlerin pour faire bouger les mentalités alors que les difficultés de recrutement, bien qu'en baisse, restent très élevées au point de constituer une préoccupation aussi prégnante que la hausse des coûts de l'énergie : en septembre, 75 % des entreprises qui avaient l'intention d'embaucher un cadre en anticipaient, contre 84 % en mars. En cause toujours, le faible nombre de candidats, des profils différents de ceux qui sont recherchés ou la concurrence d'autres employeurs.Face à cette situation, la grande majorité des recruteurs s'adaptent, constate l'Apec, en lâchant sur la rémunération, les compétences ou l'expérience demandées. « Dis autrement, cela profite moins aux seniors qu'aux jeunes », a résumé le directeur des études de l'Association, Pierre Lamblin. « Il y a beaucoup d'irrationnel dans cet ostracisme, a abondé Gilles Gateau. Un employeur retoque un senior parce qu'il se dit qu'il ne va pas rester longtemps (avant sa retraite) au profit d'un jeune qui va rester encore moins longtemps. » Recherche d'un meilleur salaire, ce qu'ils obtiennent très souvent, de conditions de travail plus en phase avec leur vie privée, reprise d'étude ou quête de sens : les jeunes cadres, de fait, ont la bougeotte. Chez les moins de 35 ans, 12 % ont entamé un projet de reconversion par exemple. Pour la directrice générale adjointe de l'Apec, Laetitia Niaudeau, cette envie de mobilité se manifeste « de plus en plus tôt ». Autre statistique frappante : 42 % des cadres démissionnent dans les deux ans suivant leur embauche, contre 22 % pour l'ensemble des salariés.