Modulation des cotisations chômage employeur en fonction de leur recours aux contrats courts, acte II. L'Urssaf notifie depuis vendredi aux 30.000 entreprises concernées, qui emploient 2 millions de salariés environ, leur nouveau taux pour un an, deuxième application de la réforme de l'assurance-chômage de 2019.Les premières évaluations de la réforme sont attendues à la fin de l'année mais d'ores et déjà, des signes montrent qu'elle a diminué la précarité professionnelle, avance le ministère du Travail.
Allers-retours fréquents chez Pôle emploi
Pour rappel, cette modulation, dite « bonus-malus », a été instaurée en application d'une promesse de campagne d'Emmanuel Macron de 2017, malgré les vives critiques du patronat. En attendant une éventuelle généralisation, elle ne s'applique qu'aux entreprises de 11 salariés et plus relevant des secteurs d'activité dont les effectifs font des allers-retours fréquents chez Pôle emploi (voir ci-dessous).« Il ne s'agit pas d'une sanction. Le but est de ne plus faire porter par l'Unédic un revenu complémentaire dans les entreprises qui font tourner leur main-d'oeuvre », rappelle-t-on dans l'entourage du ministre du Travail, Olivier Dussopt.Equilibre entre bons et mauvais élèves
Conçue par Marc Ferracci, économiste proche du chef de l'Etat aujourd'hui député Renaissance, la méthode consiste à mesurer le taux de séparation d'une entreprise, c'est-à-dire le nombre de fins de contrat de travail (hors démissions ou autres exceptions) ou de missions d'intérim donnant lieu à inscription ou réinscription à Pôle emploi, rapporté à l'effectif annuel moyen.Ce taux de séparation est ensuite comparé au taux médian du secteur d'activité de l'entreprise. Selon ce résultat et après application d'une formule, cela aboutit à un taux de cotisation chômage inférieur à sa valeur actuelle de 4,05 % (il y a alors bonus), égal (statu quo), ou supérieur (malus), dans une fourchette de 3 % à 5,05 % (par construction les transferts de cotisation s'équilibrent entre bons et mauvais élèves). 123 millions de prélèvements en moins
La première modulation, le 1er septembre de l'année dernière, sur la base des fins de contrats constatées entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022, n'a concerné que 18.000 entreprises : relevant à peine la tête après trois confinements, celles du secteur « hébergement-restauration » et du « transport-entreposage » en avaient été quasiment exemptées.Finalement, les deux tiers y avaient gagné. Plus précisément, un quart des entreprises étaient au plafond de 5,05 % et représentaient 84 % des séparations, ce qui leur a occasionné un surcroît de cotisations de 178 millions, selon une analyse de l'Unédic de février qui avait mis en avant des « effets non souhaités » dans la méthode choisie. A l'opposé, 37 % étaient au plancher de 3 %, se partageant 123 millions de prélèvements en moins.Taux de séparation en baisse
Pour la deuxième salve, 12.000 entreprises ont été rajoutées, les exemptions Covid ayant pris fin. Du fait de la structure de l'économie française et de la formule, on aboutit toujours à deux tiers environ d'entre elles en bonus, un tiers en malus.Plus intéressant, si l'on met de côté le secteur « hébergement-restauration » compte tenu de l'effet de comparaison tronqué et le secteur « autres activités spécialisées, scientifiques et techniques » en très légère hausse, le taux de séparation médian a fortement baissé dans les cinq autres secteurs. Il est passé de 215,07 % à 185,96 %, par exemple, dans la « fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ». De 70,37 % à 44,33 % dans le « transport-entreposage ».Effet réforme
La diminution, assez nette, des taux médians traduit une baisse des taux de séparation des entreprises, donc un rallongement des durées d'emploi et des passages moins fréquents chez Pôle emploi.Reste une grande question : cette amélioration est-elle due à la carotte du bonus et/ou à la peur du malus, ou aux pénuries de bras qui ont poussé les employeurs à améliorer les conditions d'embauche ? Les évaluations à venir feront la part des choses. Au ministère, on met en avant deux signes qui vont dans le sens d'un effet de la réforme en plus des forces du marché du travail.Primo, les taux de séparation ont plus diminué dans les entreprises en malus que dans celles qui étaient en bonus. Les durées de missions d'intérim, secundo, ont été fortement rallongées, particulièrement dans l'industrie, comme le montrent les statistiques du ministère. Or les agences de travail temporaire ont mené un gros travail pour expliquer à leurs clients les économies de cotisations chômage à la clé, assure-t-on toujours dans l'entourage d'Olivier Dussopt.