Ce renchérissement de crédit a déjà ébranlé le marché immobilier. En revanche, l'investissement des entreprises est resté imperturbable. Dynamique depuis l'épidémie de Covid-19, il a été l'un des moteurs de la croissance l'an dernier.
« Par rapport à la fin 2019, la hausse atteint 9,4 % en volume au deuxième trimestre 2023 », observe Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture de Rexecode. « Les entreprises françaises sont sorties de la pandémie dans une situation financière favorable. Sur la période récente, elles ont aussi montré leur capacité à répercuter l'augmentation de leurs coûts et à préserver leurs marges », analyse-t-il.
Par ailleurs, la poussée d'inflation n'a pas eu que des effets négatifs. « Elle réduit mécaniquement le poids de leur dette à taux fixe, ce qui améliore leur équation financière », souligne l'expert.« Cela laisse présager une fin d'année délicate »
Au printemps, l'investissement productif a encore progressé de 0,7 %. « Tant que la croissance est là, l'investissement se maintient. Dans le contexte actuel de hausses des taux d'intérêt, certaines entreprises ont même accéléré le mouvement », renchérit Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas. « Ces derniers mois, le renouvellement des flottes automobiles, les achats d'équipements et les extensions de capacités de production ont soutenu la dynamique », précise-t-il.Robotisation, digitalisation, transition environnementale : « Les entreprises sont confrontées à un impératif d'investissement », relève Alexandre Montay, délégué général du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti). Celui-ci a été évalué par l'agence Inbonis à 26 milliards d'euros par an pour les 11.000 ETI et les PME de croissance. A la CPME, Germain Simoneau, président de la commission financement des entreprises, constate par ailleurs qu'« à ce stade, l'impact de la hausse des taux d'intérêt n'a pas été suffisamment important pour dissuader les PME de réaliser leurs projets. Et l'accès au financement n'est pas un sujet. »Les signaux annonciateurs d'un coup de frein sur l'investissement productif dans les prochains mois se multiplient toutefois. L'activité ralentit. Au même moment, les entreprises doivent faire face à des coûts de production et de financement élevés. « Cela laisse présager une fin d'année délicate. Et l'année 2024 pourrait être plus compliquée encore pour l'investissement », alerte Alexandre Montay.
Projets reconfigurés
Du fait de la remontée des taux d'intérêt, 15 % des ETI auraient déjà reconfiguré des projets. Et le scénario d'un étalement de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) inquiète. « Il faut espérer que cela ne va pas décaler le calendrier des investissements futurs », lance le responsable du Meti avant d'ajouter : « La forte dynamique de l'investissement, et aussi de l'emploi, ces dernières années est le fruit de la politique de compétitivité engagée par le gouvernement avec la baisse de l'impôt sur les sociétés et des impôts de production. C'est dommage de ralentir. »
Mais la tendance semble engagée. « Les dernières enquêtes de la BCE font état d'une chute des demandes de crédit des entreprises pour les trois mois à venir », pointe Charles-Henri Colombier. L'investissement productif devrait donc flancher. Selon BNP Paribas, la baisse atteindrait 0,3 % au troisième trimestre, puis 0,8 % au cours des trois mois suivants. En 2024, l'investissement chuterait encore de 1 % l'an prochain. De son côté, Rexecode prévoit un recul de 0,7 % en 2024.