Encadrer la relation de travail entre l'entreprise et ses salariés, déterminer le statut des collaborateurs concernés. C'est l'objectif de la convention collective. Son choix est donc déterminant. « La convention collective, qui est régie par le code NAF aussi appelé APE conféré par l'Insee lors de la création, doit être le reflet de l'activité principale de la société. Les deux doivent matcher. On ne peut pas appliquer la même convention collective si son activité principale évolue », explique Nicolas Beck, avocat associé au sein du cabinet Skillegal.Appliquer la mauvaise convention collective peut avoir des conséquences non négligeables. Julien Hody en a fait l'expérience. Cet entrepreneur qui a fondé en 2016 avec sa soeur la société Le Chef en Box, qui propose des box, cours de pâtisseries et des formations en ligne, a racheté en février 2023 un salon de thé dans le centre de Paris pour pouvoir accueillir les personnes formées dans son centre. Deux mois après le rachat et le début de son activité, l'administration l'informe que les stages tolérés dans les restaurants ne l'étaient plus pour les prochains CAP (certificat d'aptitude professionnelle). Pour accompagner les stagiaires, il a donc dû modifier la convention collective du salon de thé pour dépendre de la pâtisserie, et non plus de la restauration rapide. « Il y aura un impact fort sur mon business si je ne peux plus former de stagiaires », estime le cofondateur de la société, qui compte 11 salariés et forme annuellement 2.500 personnes.
Appliquer une seconde convention
La convention collective d'une entreprise n'est en effet pas définitive. Il est parfaitement possible d'en changer ou de les cumuler. Notamment si une entreprise dispose d'une activité de production et décide d'ouvrir dans une autre région un centre chargé de commercialiser les produits. « Pour appliquer une seconde convention collective, ce centre d'activité autonome doit réunir trois conditions : les locaux doivent être distincts, le management différent et les salariés ne doivent pas être interchangeables », détaille Nicolas Beck.Un employeur peut aussi appliquer volontairement une seconde convention collective dans une même entité juridique, s'il estime que son activité principale a évolué ou que la convention d'origine déterminée par le code NAF ne correspond plus. « Il faut être très vigilant, prévient l'avocat. Il est recommandé de faire valider la procédure par la Dreets (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) pour éviter d'avoir des conflits. Dans le cas où deux conventions sont appliquées en même temps, un salarié peut se prévaloir de la convention collective d'origine si elle est plus avantageuse et réclamer ce qui est dû. »Un changement long et fastidieux
Si l'employeur décide d'appliquer volontairement une seconde convention, celle-ci est considérée comme un usage. Pour renoncer à une convention, rien n'est automatique. Il faut la dénoncer en respectant une procédure stricte : notifier le changement aux représentants du personnel et aux organisations syndicales, demander un nouveau code Naf auprès de l'Insee, adresser une déclaration de dénonciation à la Dreets, informer individuellement chaque salarié en respectant un délai de prévenance de trois mois.Entre les changements statutaires, les frais d'avocat - pour comprendre les impacts sur la gestion RH et les nouvelles obligations -, la publication au « Journal officiel », Julien Hody a déboursé près de 2.000 euros. « Ce changement est relativement long, plus de trois mois et lourd car il peut modifier la base de rémunération, les congés, les contrats avec la mutuelle et la prévoyance, certaines compagnies d'assurances décidant de ne pas assurer des conventions », rapporte Julien Hody. Sans compter que cette nouveauté doit aussi être implémentée dans le logiciel RH et répercutée sur les fiches de paie.