En 2010, Michaël Cohen et Rachid Ez-zaïdi créent Bagel Corner , un cncept de restauration rapide autour du bagel. Dès 2014, ils concrétisent leurs ambitions : créer un réseau de franchise. Treize ans plus tard, Bagel Corner est une enseigne nationale avec près de 40 restaurants en licence de marque et un en succursale.
Créer soi-même un concept et une marque, ou devenir franchisé : la question mérite d'être posée. D'après la Fédération Française de la Franchise (FFF), près de 85 000 points de vente en France sont franchisés en 2022, un chiffre en progression de 6,8 % en un an. Le chiffre d'affaires global généré par des franchisés, de même, progresse significativement pour atteindre 76,6 milliards d'euros en 2022.
Ces indicateurs prouvent la très bonne santé du marché de la franchise. Dans cette interview, Michaël Cohen dresse le portrait-type du franchisé, livre des conseils et explique les subtilités du modèle économique, pour aider les créateurs d'entreprises à se décider et à se lancer en tant que franchisé.
Pourquoi se lancer dans l'entrepreneuriat en tant que franchisé ?
Il y a près de 2 000 réseaux de franchise en France, c'est un marché très dynamique. C'est aussi et surtout un marché en progression constante, en nombre de points de vente et en chiffre d'affaires, et la progression du CA global de la franchise est supérieur à la progression du CA des « indépendants ».
La franchise permet en outre d'être très accompagné au lancement, et pendant toute la durée de l'activité. Cet avantage convainc de nombreux entrepreneurs.
Quel est le profil type du franchisé ?
Le franchisé, bien sûr, veut être son propre patron comme tout entrepreneur. À la différence de l'entrepreneur qui crée son concept et sa marque, l'entrepreneur qui choisit la franchise veut s'appuyer sur un concept déjà éprouvé. Le modèle de la franchise, à cet égard, rassure les entrepreneurs.
On remarque aussi que la franchise plaît aux personnes qui ont moins de temps – à mesure qu'elles avancent en âge. Les entrepreneurs qui sont moins disponibles, parce qu'ils construisent leur vie de famille notamment, choisissent volontiers de devenir franchisé.
La franchise économise certaines phases chronophages en amont du lancement de l'activité car la tête de réseau a créé et expérimenté le concept avec succès. Le franchisé s'approprie les codes et l'expertise rapidement via un livret de formation : c'est un gain de temps considérable. J'adore ce système, je le recommande à tous les entrepreneurs qui manquent de temps.
Quels sont les avantages et les inconvénients quand on se lance en tant que franchisé ?
Au-delà du gain de temps, qui est un avantage majeur, se lancer en tant que franchisé offre l'assurance d'une longévité supérieure à la moyenne.
Le chiffre d'affaires aussi est souvent supérieur, grâce à la communication nationale qui est faite par le franchiseur – dont les moyens sont plus élevés que ceux de l'entrepreneur qui débute.
Les conseils et le support au quotidien constituent un autre atout de la franchise. Il y a souvent ce qu'on appelle la « cellule animation réseau », qui est une personne dédiée à une zone du pays. En France par exemple, un animateur réseau va s'occuper des X points de vente du quart nord-est, et il a une relation privilégiée avec ces franchisés. Cela inclut un suivi régulier, pour identifier les éventuelles anomalies à corriger, ou pour accompagner l'aspect commercial, entre autres.
Sans compter le support juridique : s'il y a un problème avec le bailleur, par exemple, la tête de réseau a l'expertise pour aider ses franchisés – sans pour autant faire de l'ingérence.
Et de ces trois avantages en découle un autre : l'autonomie du franchisé. Il peut s'extraire plus facilement de son point de vente, et c'est ce qu'on remarque en pratique. Au bout de quelques mois ou années, le franchisé positionne un manager, pour se libérer du temps – le manager est suivi et accompagné par la tête de réseau. Le franchisé en profite soit pour monter un nouveau point de vente, soit pour avoir du temps libre. L'indépendant (ndlr : qui crée son propre concept et sa propre marque) peut rarement s'offrir ce luxe aussi vite.
La franchise toutefois ne convient pas à tous les profils d'entrepreneurs. Le franchisé est son propre patron, mais certaines choses lui sont imposées. Aux inconditionnels de l'indépendance, qui veulent être seuls maîtres à bord, je déconseille donc la franchise. Ils ont le profil pour écrire leur business plan et monter leur propre commerce ou restaurant.
On ne peut pas profiter du support de la franchise et être totalement libre de ses choix et de ses actions. En tant que franchisé, il faut accepter certaines règles : utiliser tel produit, faire telle campagne de communication, venir à des conventions… ça fait partie du contrat de franchise !
Comment choisir son enseigne de franchise ?
Le critère essentiel pour moi, c'est la bonne entente avec le franchiseur. Le contrat de franchise est relativement long – 7 ans en général – et la relation franchisé/franchiseur est une relation de proximité, avec des communications quasi-quotidiennes. L'entente est primordiale.
Deuxième critère important : l'adéquation entre les ambitions du franchisé et le potentiel offert par la franchise. Il faut quand même garder en tête que le budget du candidat à la franchise détermine le choix de l'enseigne. On peut difficilement aller voir un McDonald's avec seulement 50 000 € d'apport, par exemple.
Je conseille aux entrepreneurs en phase de choix d'enseigne de se rendre sur les salons. Il y en a plusieurs, dont un majeur à Paris qui s'appelle Franchise Expo Paris . Ces évènements permettent de faire le tour de toutes les enseignes nationales et internationales en seulement une ou deux journées. Les futurs franchisés peuvent ainsi faire un état des lieux du marché, et cela leur fait gagner beaucoup de temps.
Quelles sont les étapes pour se lancer en tant que franchisé ?
Rencontrer le franchiseur pour vérifier la bonne entente est la première étape, bien sûr. Ensuite vient le volet légal. Dans un premier temps, le futur franchisé signe le document d'information précontractuel (DIP). C'est un document très important car il fournit toutes les informations qui permettent de signer le contrat de franchise en connaissance de cause. Nombre d'ouvertures de points de vente dans l'année, nombre de fermetures depuis le démarrage de l'enseigne…
Les informations du DIP ont une valeur juridique, c'est très rassurant au moment de se lancer. Le franchisé signe le contrat de franchise après le DIP.
Quand les aspects contractuels sont verrouillés, tout s'enchaîne rapidement : travaux, référencement fournisseurs, communication puis ouverture. Le franchisé suit, également, une formation, avant d'ouvrir mais aussi pendant toute la durée de son contrat de franchise.
Chez Bagel Corner, il faut compter environ 9 mois entre le moment où un candidat vient nous rencontrer et le moment où il sert son premier client.
Quelles sont les obligations respectives du franchiseur et du franchisé ?
Les droits et les devoirs du franchiseur et du franchisé sont décrits dans leur contrat de franchise. Certaines obligations se retrouvent dans tous les contrats de franchise, notamment l'obligation du franchiseur de transmettre son savoir-faire au franchisé. Le franchisé, de son côté, a l'obligation de s'approvisionner en matières premières chez les fournisseurs référencés par le franchiseur, de respecter scrupuleusement la charte graphique et la ligne éditoriale dans sa communication, d'ouvrir aux horaires imposés…
En contrepartie, le franchisé a des droits étendus : le droit d'être formé, le droit d'accéder à tous les supports de communication utiles… si le franchiseur ne respecte pas le contrat à ces égards, le franchisé est indemnisé.
Les contrats de franchise sont très encadrés. Avec Bagel Corner, on a choisi le modèle de la franchise, mais dans le cadre contractuel plus souple de la licence de marque.
Quelle est la différence entre franchise et licence de marque ?
En pratique, on utilise indifféremment les termes, car la différence entre franchise et licence de marque est subtile.
Franchise et licence de marque sont très similaires, et chaque type de contrat a ses avantages et ses inconvénients. Même avec l'aide de nos avocats , nous avons eu du mal à choisir. Finalement nous avons choisi de développer Bagel Corner en licence de marque, pour sa souplesse, qui nous permettait de limiter les risques sur le plan juridique. Pour autant, les modèles économiques de la franchise et de la licence de marque sont très proches, c'est pourquoi nous sommes présents sur les Échos de la Franchise, l'Observatoire de la Franchise ou encore Franchise Expo Paris.
Pour donner un exemple : un membre du réseau Bagel Corner a le droit de proposer une recette locale, qu'il a lui-même imaginée ; on peut refuser, mais il n'en reste pas moins que la possibilité d'être force de proposition existe.
Autre exemple : on fait un sondage à chaque nouvelle initiative pour avoir l'avis de nos licenciés, et on les réunit parfois pour discuter ensemble – du choix des logiciels, entre autres sujets. On suit un modèle assez horizontal, avec une communication dans les deux sens, contrairement à la franchise pure où la marge de manœuvre du franchisé est en théorie plus limitée.
Quels sont les pièges à éviter quand on ouvre un point de vente en tant que franchisé ?
Attention à ne pas se tromper sur l'emplacement ! C'est sans doute l'erreur la plus grossière à éviter. Il ne faut pas hésiter à demander l'appui de la tête de réseau. Les franchiseurs ont souvent des outils qui permettent d'analyser avec précision les emplacements visés par le franchisé. Dans certains cas, ils ont même un local disponible qu'ils peuvent proposer au franchisé.
Après, évidemment, il faut bien lire le contrat de franchise (ou de licence de marque !) avant de signer. À ce moment-là, l'aide d'un avocat peut être utile pour vraiment comprendre à quoi on s'engage.
Si je devais rajouter un conseil, j'insisterais sur les moyens à déployer pour communiquer sur l'ouverture du restaurant ou du commerce. Le bouche-à-oreille ne suffit pas. Il faut à tout prix prévoir du budget communication pour cette ouverture. On s'est aperçu, sur une quarantaine de restaurants qu'on a ouverts jusqu'à présent, que les membres du réseau qui communiquaient le plus avaient un CA plus élevé dès leurs débuts, alors que le démarrage est plus complexe sans communication au lancement.
Au moment de faire son budget, il faut bien garder à l'esprit qu'il y aura des imprévus. Et ces imprévus ne doivent pas empiéter sur le budget communication pour l'ouverture du point de vente.
Le critère de l'emplacement est déterminant, comment s'assurer qu'il est bon ?
Des agents immobiliers classent les locaux commerciaux en fonction de leur attractivité : n°1, n°1 bis, n°2… L'emplacement n°1 est en quelque sorte les Champs-Élysées de la commune d'implantation. C'est la rue la plus commerçante, avec un flux de passage important. Parfois, il ne faut pas s'arrêter à la rue : dans une même rue, il y a des emplacements plus ou moins stratégiques, qui peuvent se situer à moins de vingt mètres de distance !
Une fois l'avis pris auprès d'un agent immobilier, il est important de s'appuyer sur la tête de réseau pour évaluer les opportunités d'emplacement.
Après cette première vérification par l'agent immobilier et une deuxième par la tête de réseau, une troisième s'impose : c'est au franchisé de faire sa propre analyse ! Je recommande de passer dans la rue tous les jours, pendant au moins deux semaines. C'est ainsi qu'on se fait une idée précise et fiable. On observe les flux, on pose éventuellement des questions aux passants, on compte le nombre de personnes qui entrent dans les commerces…
J'ai fait cet exercice de nombreuses fois, sur divers emplacements, pour mieux comprendre l'environnement. C'est essentiel. Des outils comme MyTraffic permettent d'affiner ces résultats.
Pluri-franchisé, multi-franchisé : à quoi correspondent ces notions ?
L'entrepreneur franchisé a de belles perspectives de développement. Il peut être multi-franchisé : il ouvre plusieurs points de vente sous la même enseigne. Il peut aussi être pluri-franchisé : il a plusieurs points de vente, sous des enseignes différentes. C'est l'exemple de l'entrepreneur qui ouvre un restaurant, une salle de sport et un magasin de bijoux sous différentes enseignes. À ce stade de développement du business, il devient intéressant de mutualiser les services. L'entrepreneur devient une TPE avec un service juridique, un service marketing et un service RH pour ses différents points de vente. Certains pluri-franchisés se développent au point de générer un CA supérieur au réseau de franchise auquel ils sont franchisés !