Les employeurs et les services RH sont dans l'attente : des changements majeurs sont en train de s'opérer en matière de congés payés des salariés. Au-delà de l'aspect organisationnel, la problématique est d'ordre financier. Zoom sur les 3 apports de la jurisprudence du 13 septembre 2023 en matière de droits aux congés payés.

Droits aux congés payés : que dit le Code du travail actuellement ?

La loi en France prévoit que le salarié a le droit à 2,5 jours de congé par mois de travail effectif dans son entreprise. Au total, chaque salarié est en congé 5 semaines par an s'il travaille effectivement toute l'année. La notion de travail effectif est explicitée par le Code du travail, qui précise que certaines absences sont considérées comme tel.

  • Conformément à l'article L3141-5 dans sa version actuelle, les arrêts de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail permettent d'acquérir des jours de congé, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an.
  • Le Code du travail en revanche ne considère pas les arrêts de travail pour maladie non professionnelle comme du temps de travail effectif ouvrant droit à des congés payés.

En application de la version à date du Code du travail : le salarié qui est en congé pour maladie non professionnelle pendant 1 mois perd 2,5 jours de congés payés dans l'année.

La Cour de cassation, toutefois, a jugé que le Code du travail français n'est pas en conformité avec la jurisprudence et le droit de l'Union européenne. Le 13 septembre 2023, 3 arrêts de la Cour de cassation marquent un revirement majeur des règles en matière de droits aux congés payés.

Droits aux congés payés : que dit la Cour de cassation le 13 septembre 2023 ?

  • Le salarié acquiert des jours de congé pendant son arrêt maladie, même si la maladie est d'origine non professionnelle.
  • Le salarié acquiert des jours de congé pendant son arrêt pour maladie professionnelle ou accident de travail, sans limite de durée. C'est-à-dire que si l'arrêt de travail dure plus d'un an, le salarié continue à acquérir des jours de congé.
  • Pour le paiement de l'indemnité de congés payés, le délai de prescription de 3 ans commence au jour où l'employeur informe ses salariés de leurs droits. Financièrement, les conséquences de ce revirement pourraient être considérables : les employeurs devraient rembourser des indemnités calculées depuis 2009.

Des cours d'appel en France appliquent déjà la jurisprudence de la Cour de cassation. Le 27 septembre 2023, la Cour d'appel de Paris a accordé 6 000 € d'indemnité compensatrice de congés payés à une salariée au titre des jours acquis pendant ses arrêts de travail et non pris.

Réforme du droit aux congés payés en arrêt maladie : comment réagir en tant qu'employeur ?

Les revirements de jurisprudence du 13 septembre 2023 interrogent : faut-il se mettre en conformité dès à présent ? Comment mettre en œuvre les nouvelles mesures ? Faut-il payer des indemnités de congés payés pour les périodes antérieures ? Tant que le Code du travail n'est pas à jour, les employeurs et leurs conseils juridiques sont hésitants.

À noter que certaines entreprises, en vertu de conventions collectives plus protectrices du salarié que le Code du travail, appliquaient déjà les mesures en question.

Des réponses sont attendues pour mi-février, notamment sur les points suivants :

  • La directive européenne accorde 4 semaines de congé par an aux salariés, contre 5 en droit français. Est-ce que le nombre de jours acquis pendant les arrêts de travail pour maladie non professionnelle s'appliquent dans la limite de ces 4 semaines ?
  • Est-ce que les employeurs doivent indemniser les salariés pour régulariser les congés payés des périodes antérieures, par effet rétroactif, alors que l'État est responsable de ne pas avoir transposé la directive européenne ?

Le Conseil constitutionnel, saisi suite aux arrêts de la Cour de cassation, doit statuer. Il peut ou non censurer les articles du Code du travail jugés inconstitutionnels. Quoi qu'il en soit, le droit de l'Union européenne doit s'appliquer en France : le pouvoir législatif devra réglementer dans le sens de la jurisprudence du 13 septembre 2023. À ce jour, les employeurs se préparent.

  • Vous pouvez commencer à provisionner de la trésorerie pour payer les éventuelles indemnités de congés payés au titre des droits acquis antérieurement au revirement de jurisprudence.
  • La méthodologie de calcul des droits à congés payés s'apprête à changer. Les RH doivent s'adapter, et les outils logiciels de gestion d'entreprise doivent être mis à jour.
  • Vous avez tout intérêt à vous rapprocher d'un avocat spécialisé pour vous tenir à jour de l'évolution de la réglementation, et agir conformément le moment voulu.