De marchés de créateurs en pop-up stores, ses fondateurs Marion Dubuc et Nicolas Hernandez reviennent pour nous sur les grandes étapes du développement de Pétrone, qui leur ont permis d'ouvrir leur première boutique à Paris. L'occasion pour le couple de partager ses conseils et ses astuces afin de conjuguer présence en ligne et hors-ligne quand on est une petite entreprise. Découvrez le témoignage de Marion et Nicolas !
Pouvez-vous nous présenter votre marque Pétrone, et vos produits ?
Marion : Pétrone est une marque que nous avons créée en 2018, Nicolas et moi. Nicolas s'occupe du développement produit et des aspects business. De mon côté, je suis directrice de la communication. A l'origine, nous sommes spécialisés dans les sous-vêtements masculins, mais nous avons élargi notre gamme au vestiaire masculin dans son ensemble.
Le créneau de notre marque, c'est le confort, donc nous travaillons avec des matières douces, respirantes et confortables. La mission qu'on s'est fixée, c'est d'assurer un bon confort pour les hommes du matin au soir, et même la nuit !
Quel a été le déclic pour vous lancer en tant qu'entrepreneurs ?
Nicolas : Depuis que je suis enfant, j'ai cette envie de créer et d'entreprendre. J'ai longtemps exercé dans les domaines du retail et de la mode, notamment, aux Galeries Lafayette hommes. Là-bas, j'ai découvert que l'espace des sous-vêtements rapportait autant que celui dédié aux costumes, alors que celui des sous-vêtements était beaucoup plus petit. C'était aussi le produit qui comptait le moins de vendeurs. Je me suis dit qu'il y avait une opportunité.
Mon idée a tout de suite été de proposer un produit durable, de qualité et fabriqué en Europe à des prix inférieurs à ceux des grandes marques. Dans la foulée, j'ai quitté mon emploi et j'ai travaillé un an à temps plein pour développer le projet avec le business plan, le concept, la marque, la recherche des usines pour réaliser nos prototypes de boxers et de chaussettes, etc. Ce n'est pas facile d'arriver avec ses économies et de négocier avec des usines de petites quantités pour se lancer. Celles-ci travaillent habituellement pour de grandes marques et avec des budgets très élevés. Il faut convaincre. On y est arrivé avec Marion !
Marion : De mon côté, il n'y a pas eu de déclic. J'ai accepté de suivre le projet en pensant aider Nicolas, notamment, sur la partie communication avec mon expertise métier comme j'étais social media manager en agence digitale. Je ne me disais pas à l'époque que Pétrone deviendrait un job à plein temps.
Mais au fil des mois qui passaient, je me suis aperçue que j'y consacrais de plus en plus de temps les soirs, les week-ends, les vacances entre le site, l'envoi des commandes, les opérations de communication, etc. Ça devenait difficile de conjuguer mon poste en CDI et le lancement de Pétrone. L'envie de quitter mon emploi s'est imposée à ce moment-là pour laisser place à l'aventure entrepreneuriale avec Nicolas.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées en créant votre site de e-commerce ?
Nicolas : Dans un premier temps, il ne faut pas sous-estimer la dimension technique lorsque l'on décide de créer son site de e-commerce. Notre première difficulté a été de sélectionner l'outil adéquat pour commercialiser nos produits. On a commencé avec un outil en open source, qui nous a causé de nombreux problèmes car il reposait sur plusieurs applications différentes, chacune mise à jour indépendamment. Finalement, nous nous sommes tournés vers Shopify, la solution la plus simple pour nos besoins.
Marion : L'autre aspect auquel il faut rapidement penser, c'est toute la dimension production de contenus. Pas simplement sur ses réseaux sociaux, mais également sur son site e-commerce. Quand on vend un produit en ligne, il faut pouvoir proposer plusieurs dimensions de contenus autour de son produit, pour rassurer des clients potentiels en partageant son intérêt et son expertise.
Cela peut se faire en écrivant des articles sur ses champs d'expertise, en racontant l'histoire du produit, etc. Les photos et vidéos des produits, ainsi que les descriptions des produits que l'on propose sont à travailler également. Un client potentiel qui ne vous connait pas aura du mal à vous faire confiance sur la base de photos mal prises ou de mauvaise qualité.
Nicolas : D'ailleurs, pour rebondir sur cette dimension du contenu, si je peux donner un conseil aux personnes qui se lancent, ce serait de chercher à incarner son projet d'entreprise. Que ce soit sur son site ou sur ses réseaux sociaux, même si l'on ne veut pas se mettre en avant, il faut parfois se faire un peu violence pour raconter l'histoire de sa petite entreprise et lui donner un visage humain.
Pour une raison simple : les personnes qui viennent acheter chez vous ont conscience de consommer une petite marque, et pas une multinationale. Ils ont donc souvent envie de connaître votre histoire, et de mettre un visage sur ces produits. On le constate après coup aujourd'hui, car nous venons d'ouvrir notre première boutique hors-ligne et nous avons de nombreux avis de clients sur les moteurs de recherche qui disent « C'est super, j'ai rencontré le fondateur et on a bien discuté ». On comprend que ce sont des choses qui comptent, et qu'il faut donc faire.
Quelles sont les bonnes pratiques relatives aux descriptions de ses produits en ligne ?
Marion : Notre approche dans la construction de nos descriptions a été d'être le plus exhaustif possible, et donc de faire d'assez longues descriptions avec beaucoup d'informations. Bien sûr, ce n'est pas le choix de tout le monde mais il nous semblait important de donner de la matière à nos clients pour qu'ils puissent se projeter.
En revanche, deux aspects sont aujourd'hui incontournables pour répondre aux aspirations des clients : la composition des produits et le lieu de production. Les clients nous attendent beaucoup sur ces deux sujets-là, et il est donc essentiel de ne pas faire l'impasse sur ces informations dans la description.
Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans le commerce physique, en plus du e-commerce ?
Marion : Au départ, nous cherchions tout simplement à nous faire connaître et à rencontrer de nouveaux clients. Nous avons donc commencé à tenir des pop-ups et boutiques éphémères. Les points de vente physique permettent également d'attirer des personnes qui ne sont pas trop à l'aise à l'idée d'acheter en ligne, ou en tout cas d'y réaliser leur premier achat. Selon nos estimations, ces clients représentent environ un tiers des clients qui viennent acheter nos produits en boutique. Sans distinction d'âge ou de maturité numérique d'ailleurs : on a aussi des personnes jeunes, connectées, mais qui préfèrent toucher les produits et s'assurer de leur taille.
Nicolas : Il y a également des clients qui achètent en ligne une fois qu'on a un point de vente physique. Le fait de savoir que nous avons une boutique, de pouvoir consulter les avis sur internet, va rassurer un certain nombre de clients qui craignent de se faire arnaquer en ligne.
Marion : On constate que les clients demeurent très attachés au commerce physique, malgré l'explosion du e-commerce : le commerce hors-ligne continue de représenter environ 80% du commerce global ! C'est donc un levier de croissance important pour une marque. En plus, pour nous sur le prêt-à-porter, l'existence d'une boutique permet de contrer des problématiques de retours importants, car l'essayage physique diminue le risque d'insatisfaction ou d'erreur sur la taille.
Comment avez-vous lancé votre première boutique éphémère ?
Nicolas : Nous nous sommes lancés dans les points de vente éphémères en juin 2019, environ trois ou quatre mois après avoir reçu nos produits. Nous nous sommes associés avec l'équipe de We are Jolies aujourd'hui (Jolies Culottes à l'époque), une marque de sous-vêtements féminins qui s'était créée un an avant Pétrone, et qui avait déjà réussi à obtenir des levées de fonds. Nous nous sommes chargés de la recherche du lieu, et c'est elle qui a ramené le flux de clients finaux. A cette occasion, nous proposions une offre croisée, avec un prix intéressant pour l'achat de deux culottes We are Jolies et un boxer Pétrone.
Marion : L'offre croisée exclusive a été une vraie réussite, je dirais que c'était finalement une très bonne chose de s'associer avec une autre marque cohérente avec notre univers et de proposer cette offre. Aujourd'hui encore, dans notre boutique, on peut commercialiser des produits d'autres marques pour rendre l'expérience en magasin encore plus spéciale.
Nicolas : Avec le recul, je pense que nous nous sommes lancés un peu tôt, car nous étions une petite marque et que les gens ont plutôt tendance à entrer dans des boutiques de marque dont ils connaissent déjà le nom. Heureusement que nous étions avec We are Jolies, sinon nous aurions certainement perdu de l'argent sur cette opération. Ouvrir une boutique éphémère implique beaucoup de travail et de nombreux coûts… Il faut donc faire attention à ne pas se lancer trop tôt !
Quelle a été votre stratégie de développement en physique par la suite ?
Nicolas : Après cette première expérience, nous avons principalement participé à des marchés de créateurs. C'était une bonne opportunité pour se faire découvrir, car ces marchés rassemblent un plus grand nombre de marques (environ 30 à 40) et drainent un grand flux de visiteurs. Il faut savoir que ces marchés sont plus chers au mètre carré qu'une boutique, et que les organisateurs perçoivent un pourcentage sur nos ventes.
Mais c'est une bonne façon de se faire connaître et de se créer une clientèle. Au bout de trois ans, on s'est rendu compte que de nombreux clients venaient pour nous ou nous connaissaient déjà : on a compris qu'il était temps de monter notre propre boutique.
Comment vous y êtes-vous pris pour trouver des pop-ups et des marchés créateurs ?
Nicolas : Il existe des sites de location pour ouvrir des pop-ups, mais ceux-ci peuvent être très chers. Comme nous habitions à Paris à plein temps à cette époque, notre stratégie consistait à déambuler dans les rues afin de repérer les locaux disponibles. Certains ont parfois un petit autocollant pop-up avec le numéro du propriétaire, ce qui permet de le louer en direct. Une autre astuce peut être de chercher les emplacements disponibles à la location pour du long terme, et de demander à les utiliser tant qu'ils ne sont pas loués.
Marion : J'ajouterais qu'en fonction de la nature du produit vendu, et de l'emplacement recherché, il ne faut pas négliger d'autres options comme les centres commerciaux. Certaines foncières essaient de rajeunir l'offre des boutiques de centres commerciaux et refont des unités dans des magasins pilotes. Elles proposent généralement des loyers raisonnables et font tourner les marques régulièrement pour tester de nouvelles offres. Les grands magasins proposent également ce genre d'opportunités, généralement pendant la période des fêtes.
Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à les contacter et à mettre en avant ses produits, car en général les centres commerciaux et les grands magasins sont preneurs de nouvelles propositions. Enfin, regarder aussi du côté des testeurs de commerce, qui accueillent régulièrement des marques différentes. Et ne pas hésiter à demander conseil aux marques qui ont testé un lieu !
Comment assurer sa rentabilité sur une boutique éphémère ?
Nicolas : Il faut être très réaliste quand on fait un pop-up, surtout si c'est la première fois. Entre le prix du loyer, les charges, la logistique pour faire venir et repartir les produits, l'opération peut vite devenir un gouffre financier.
Marion : Globalement, pour être rentable, il faut être sérieux dans sa gestion. Nous avons tenu nous-mêmes quasiment tous nos pop-ups, nous n'avons jamais pris de vendeurs, ou réalisé de devantures extravagantes.
Nicolas : Si on prend un logisticien pour préparer les colis, quelqu'un pour monter le stand et des vendeurs, le coût du pop-up peut être multiplié par trois. Impossible d'être rentable dans ces conditions…
Quelles sont les bonnes pratiques pour communiquer autour de sa boutique éphémère ?
Marion : C'est toujours un peu compliqué de mobiliser les gens, il faut donc commencer à communiquer suffisamment en amont, et avec une approche omnicanale. Donc bien travailler ses réseaux sociaux, notamment sur Facebook qui propose des leviers de publicité drive to store. Il s'agit de publicité ciblée sur les personnes présentes dans son quartier ou sa ville, pour communiquer sur sa présence. On peut également imaginer un contenu dédié, comme une petite vidéo pour l'occasion.
Combien coûte une campagne de communication et comment la mener ?
Marion : Les résultats de la campagne vont être proportionnels au budget alloué, on peut donc commencer avec des campagnes à 5€ ou 10€ par jour, notamment sur Facebook en ciblant les personnes alentours.
Pour être efficace, une campagne doit tourner au moins une semaine ou dix jours. Si la boutique éphémère n'est ouverte que le temps d'un week-end, mieux vaut se rendre dans le quartier et distribuer directement des flyers. Il faut aussi penser à déposer son chevalet le long du trottoir, à rendre sa vitrine attractive.
Les actions de communication se déroulent donc à la fois en ligne et hors-ligne pour plus d'efficacité. On peut par exemple imaginer une offre spéciale en boutique, et en même temps organiser un jeu concours en ligne pour l'ouverture de son pop-up.