Le budget 2025 instauré depuis mars une taxation renforcée sur l'aérien, via un triplement de la "taxe de solidarité sur les billets d'avion" (TSBA). Un surcoût de 4,77 euros par billet d'avion sur les vols intérieurs ou européens au départ de la France, et jusqu'à 120 euros par trajet long-courrier en classe affaires.
Selon une étude publiée cette semaine par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC), les compagnies aériennes n'ont pas taillé dans leurs marges: ces hausses se sont répercutées "en grande partie, voire en totalité, sur les prix du transport aérien, représentant jusqu'à deux points d'inflation supplémentaire".
En outre, selon la DGAC, la hausse "se répercute directement sur les prestations facturées, sous forme de taxes ou de redevances, aux compagnies aériennes pour effectuer l'atterrissage, la circulation au sol, le stationnement et le décollage des aéronefs, le débarquement et l'embarquement des passagers", ce qu'on appelle dans le jargon du secteur les "coûts de touchée".
Conséquence, "la position concurrentielle des aéroports français s'est dégradée aussi bien sur le faisceau moyen-courrier (...) que sur le long-courrier, en concurrence avec les hubs, notamment extra-européens, pour attirer le trafic de correspondance", a affirmé l'administration qui dépend du ministère des Transports.
Ce constat semble confirmer les craintes énoncées par les professionnels du secteur aérien lors des débats budgétaires de l'automne 2024. La Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam) avait alors jugé que l'Etat, au capital d'Air France-KLM et du gestionnaire des aéroports parisiens, se tirait "une balle dans le pied" en dégradant la compétitivité de la destination France.
"Ce ne sont pas seulement les compagnies aériennes qui en pâtissent", a argumenté le directeur général d'Air France-KLM, Benjamin Smith, jeudi lors de la présentation de résultats trimestriels notamment lestés, selon son entreprise, par la hausse de la TSBA.
- Pas de rebond post-JO -
"C'est tout le secteur du voyage, le tourisme, l'hôtellerie. Pour la France, le compte n'y est pas", a-t-il ajouté.
Fin octobre, l'ONG Transport & Environment (T&E), étude économique à l'appui, avait a contrario estimé que "ce sont surtout les tendances en matière de comportement des voyageurs et les modèles économiques des compagnies aériennes qui influencent le nombre de passagers, et non les coûts seuls".
La DGAC a révélé mercredi que l'offre de sièges d'avions au départ de la France avait augmenté de seulement 1,4% depuis le début du deuxième trimestre, contre 4,7% dans le reste de l'Europe, laminant l'espoir de voir le pays bénéficier d'un "rebond" d'activité post-olympique comme d'autres pays hôtes.
"La fiscalité française renchérit le prix des billets d'avion, détourne des capacités vers d'autres marchés européens et fragilise l'attractivité du pavillon national", a assuré jeudi le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara), pour qui "la perte d'attractivité de la France a des effets sur l'emploi et la connectivité".
Evalué à 850 millions d'euros de plus en année pleine, le produit de la TSBA est reversé à 80% au budget général de l'Etat, le solde servant à financer les grands projets d'infrastructures routières et ferroviaires.
C'est l'aviation d'affaires qui a été la plus affectée par sa hausse: de 207,37 à 2.097,37 euros de plus par passager embarqué, a rappelé la DGAC.
Alors que le Parlement examine actuellement le projet de loi de finances (PLF) 2026, la principale association d'acteurs de l'aviation d'affaires, l'EBAA France, a exhorté les élus à corriger un dispositif "injuste dans sa conception, déséquilibré dans son application et inefficace dans ses résultats".
La hausse de la TSBA "détruit le pavillon français", a assuré cette semaine l'association, citant le chiffre d'une baisse d'activité de 21,8% des compagnies françaises d'aviation d'affaires au troisième trimestre, contre une hausse de 4% de celle des opérateurs étrangers dans le pays.