La Cour de cassation considère désormais le temps de trajet des salariés itinérants comme étant du temps de travail effectif sous certaines conditions. Explications.

Jusqu’à présent, vous n’étiez pas tenu de rémunérer le temps pris par vos salariés itinérants (commerciaux, techniciens d’intervention, livreurs…) pour se rendre sur le site de leur premier client ou pour rentrer du site de leur dernier client de la journée. Ce temps de trajet était considéré comme « hors temps de travail » pour les salariés itinérants.
Avec un arrêt rendu le 23 novembre dernier, la Cour de cassation change la donne sur le sujet, et se range à l’avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) concernant les trajets entre le domicile et l’entreprise ou le lieu de travail du salarié. Voici ce que vous devez savoir.

Trajets des salariés itinérants : ce que dit la loi française

Le temps de trajet domicile/travail n’est pas un temps de travail effectif

Le Code du travail définit clairement la notion de « temps de travail effectif » pour les salariés. Celui-ci ne comprend pas le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail :

  • Le temps de travail effectif d’un salarié exclut le temps de déplacement professionnel du salarié pour se rendre sur son lieu de travail depuis son domicile
  • Si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur son lieu de travail (à l’entreprise ou chez un client) dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, alors il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière
  • Ces contreparties sont déterminées par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par accord de branche. À défaut d'accord, l'employeur les définit unilatéralement, après consultation du comité social et économique (CSE)

La problématique des salariés itinérants, « sans lieu de travail fixe »

Les salariés itinérants, qui n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, ne faisaient jusqu’à présent pas exception à la règle.
Le temps consacré par les salariés itinérants à leurs déplacements entre plusieurs sites d’intervention lors d’une même journée de travail est rémunéré par l’employeur comme du temps de travail effectif. En revanche, le temps de déplacement quotidien entre le domicile et les sites du premier et du dernier client n'est pas considéré comme du temps de travail effectif.
Ce temps de déplacement quotidien du salarié entre le domicile et les sites du premier et du dernier client doit faire l’objet d’une contrepartie uniquement quand il dépasse un temps de trajet normal.

Que dit l’arrêt du 23 novembre de la Cour de cassation ?

Avec son arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation reconnaît désormais que ce temps de trajet domicile/travail des salariés itinérants peut être qualifié de temps de travail effectif et devra être rémunéré en tant que tel par l’employeur, sous certaines conditions.

Elle stipule qu’elle va prendre en compte « les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif ».

Redéfinir la politique de déplacement des salariés itinérants

Afin d’éviter tout risque de contentieux sur la rémunération de ces temps de trajet, n’hésitez pas à redéfinir clairement la politique de déplacement de vos salariés itinérants, voir à la stipuler dans un avenant à leur contrat de travail ou dans le règlement intérieur de votre entreprise.

Vous devrez alors préciser :  

  • Si le salarié itinérant peut vaquer librement à ses occupations personnelles et n’est pas tenu d’être disponible pour effectuer des opérations relevant de son travail pendant ce temps de trajet (appels professionnels ou prises de rendez-vous). Dans ce cas, le temps de trajet ne sera pas pris en compte dans le temps de travail effectif et ne donnera pas lieu à une contrepartie financière.

Ou

  • Si le salarié itinérant doit se tenir à votre disposition et se conformer à vos directives pendant son temps de trajets domicile/client, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ; auquel cas le temps de trajet devra alors être pris en compte dans le temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées.