Les sénateurs veulent pousser les Français à travailler un peu plus. À l'occasion des débats sur le budget de la Sécurité sociale, ils ont soutenu, mercredi en commission, l'idée d'obliger les salariés à travailler sept heures de plus par an pour le même salaire. En contrepartie, les entreprises verseraient 2,5 milliards d'euros de cotisations supplémentaires à la « Sécu » dont les finances sont au plus mal.
« Il y a une liberté dans le sujet, c'est pour nous fondamental, l'idée c'est vraiment qu'il y ait un débat avec les partenaires sociaux sur la mise en application du principe », a insisté le président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, mercredi, évoquant la possibilité d'une journée de travail supplémentaire mais aussi d'un nombre de minutes supplémentaires par mois. Et celui-ci d'insister sur le fait qu'il ne s'agit pas de supprimer un jour férié en particulier.
Dans le détail, les sénateurs proposent de créer une « contribution de solidarité par le travail », en reprenant le principe de la « journée de solidarité ». Créée pour dégager des moyens en faveur des personnes âgées après la canicule meurtrière de 2003, cette journée travaillée mais non rémunérée correspondait initialement au lundi de Pentecôte, mais le dispositif avait fini par être aménagé, permettant aux employeurs de retenir une autre date. Si elles ne font pas travailler leurs équipes le lundi de Pentecôte, elles peuvent ainsi supprimer un jour de réduction du temps de travail (RTT) ou exiger sept heures de travail supplémentaires fractionnées sur l'année. En échange du bénéfice de ce « travail gratuit », elles versent aujourd'hui à la Sécurité sociale une contribution de 0,3 % sur les salaires.
L'exécutif jusque-là réticent
Présenté par la rapporteure du budget de la Sécurité sociale, la centriste Elisabeth Doineau, l'amendement soutenu ce mercredi par les sénateurs propose de faire passer cette contribution à 0,6 %, tout en augmentant la durée annuelle de travail de 7 heures dans le secteur public comme dans le privé. De quoi dégager 2,5 milliards d'euros pour la Sécurité sociale.
L'idée de pousser les Français à travailler plus avait déjà été remise sur la table par des sénateurs inquiets de la situation financière des Ehpad à la fin septembre. Le projet de créer une nouvelle journée de solidarité a été relancé ces dernières semaines alors que les parlementaires cherchent à adoucir le choc du plan de redressement des finances publiques de l'exécutif.
Jusqu'à présent, Matignon a laissé entendre que le Premier ministre n'était pas favorable à une nouvelle journée de solidarité. Il faut dire que l'allongement de la durée du temps de travail risque de faire grimacer les Français.
Reste que l'exécutif a déjà mis de l'eau dans son vin sur des mesures censées dégager des économies ou de nouvelles recettes. Et il est resté vague sur les nouvelles ressources qui pourraient être dégagées en contrepartie afin de tenir les objectifs de redressement des finances publiques annoncés.
La proposition du Sénat pourrait donc l'intéresser, même si les sénateurs insistent pour que les nouveaux moyens dégagés soient financés vers les personnes âgées et handicapées. « Sur la journée de solidarité, la poutre travaille à Matignon », indique d'ailleurs un ministre. Les députés EPR poussent aussi à une hausse du temps de travail pour annuler le coup de rabot prévu sur les allégements de charges des entreprises.
Signe que l'exécutif va bel et bien devoir identifier de nouvelles recettes pour boucler son budget, les sénateurs ont d'ailleurs modifié sa copie sur cette remise en cause des exonérations de cotisations patronales, prévue pour dégager de nouvelles recettes et favoriser les augmentations de salaires.
Les sénateurs ont ainsi soutenu l'idée de maintenir les exonérations de cotisations patronales sur les emplois au niveau du SMIC, comme l'envisage désormais clairement le gouvernement. « La situation économique dans notre pays est inquiétante, a justifié la centriste Elisabeth Doineau. Nous ne voulons pas avoir trop de casse en termes d'emploi. » Celle-ci propose toutefois d'augmenter le coût du travail pour les salaires au-delà de 2,05 SMIC pour « casser la dynamique » de hausse de ces allègements.