Le dispositif des aides à l'apprentissage est certes réduit dans le contexte budgétaire actuel, mais PME et universités espèrent bien surfer encore un peu sur la vague de l'alternance, en allant sur un terrain nouveau : celui du doctorat.

Ces deux mondes se sont longtemps regardés en chiens de faïence. Mais ils ont trouvé dans l'apprentissage un intérêt commun. « Ne baissons pas les bras sur l'alternance, 70 % des apprentis sont dans les PME ! » insiste François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) dans un entretien aux « Echos » avec Guillaume Gellé.

A la tête de France universités, l'association de leurs présidents, ce dernier verrait d'un bon oeil la création de « 100.000 places de plus dans le supérieur pour les apprentis »- s'ajoutant aux 120.000 actuelles dans les universités. La mesure, qui coûterait 1 milliard d'euros, n'est pas envisageable à court terme, admet Guillaume Gellé.

Mais, avec François Asselin, il entend franchir une nouvelle étape et proposer a minima une centaine de doctorats en apprentissage. Le dispositif figurait dans la convention signée il y a un an entre France universités et la CPME. Il faut maintenant « instruire » ce dossier, insistent-ils. Ce sujet était aussi à l'agenda de l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Dans son « pacte pour la recherche » qu'il devait dévoiler en 2025, Patrick Hetzel aurait volontiers misé sur le doctorat en apprentissage pour soutenir l'activité économique des PME.

Faciliter l'accès au CIR

Cette philosophie consistant, plus largement, à voir les universités comme structures d'appui aux PME est au coeur du rapprochement qu'envisagent François Asselin et Guillaume Gellé. Mais il reste du chemin à parcourir. Car peu de PME accueillent des doctorants. Le dispositif Cifre (Conventions industrielles de formation par la recherche), qui permet d'accueillir un doctorant en entreprise, est surtout prisé des grands groupes. D'où l'idée de recourir à l'apprentissage, un outil que les PME maîtrisent bien. « Certaines PME innovent beaucoup sans forcément valoriser cette innovation », appuie Guillaume Gellé. Il y voit « un moyen d'atteindre l'objectif de la France » de porter les dépenses de recherche-développement et d'innovation à 3 % du PIB, contre 2,2 % aujourd'hui. Sur ces 2,2 %, la part du privé n'atteint que 1,4 %. Elle pourrait ainsi « passer à 2 % », estime-t-il.

Certains y voient aussi un moyen, pour les PME, d'accéder plus facilement au crédit d'impôt recherche, considérant que les petites entreprises maîtrisent souvent mal le CIR. Parfois, elles ne parviennent pas à justifier le travail fait en termes de recherche-développement. Elles doivent alors rembourser les sommes perçues au titre du CIR et peuvent se retrouver en difficulté. Accueillir un doctorant leur permettrait de mieux utiliser cet outil. Une expérimentation de doctorat en apprentissage a été menée avec l'université du Littoral. Elle mérite d'être « étendue », estime Guillaume Gellé. Reste à financer le dispositif. Le doctorat étant inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), cela suppose de lancer des négociations avec les branches professionnelles en lien avec les partenaires sociaux. « On ne peut qu'inciter les branches professionnelles à signer un accord en ce sens, insiste le président de la CPME. On a un mal fou à réindustrialiser notre pays. Cela passera par une montée en gamme qui va de pair avec la montée des compétences, et l'université doit être l'un de nos partenaires majeurs. »

Réticences à surmonter

Au-delà du financement, il faudra surmonter les réticences de certaines entreprises à voir arriver en leur sein des doctorants qui n'ont pas la même culture. « Les PME connaissent souvent les écoles d'ingénieurs et beaucoup moins l'université et ses plateaux techniques, regrette François Asselin. Elles méconnaissent souvent le fait qu'elles peuvent s'offrir les services d'un doctorant, pensent que c'est réservé aux grands groupes et font parfois appel à des organismes de recherche à l'étranger alors qu'elles ont à côté d'elles les plateaux techniques et la ressource intellectuelle pour les accompagner ! » Guillaume Gellé, lui, se dit prêt à « développer un peu plus les dispositifs de mobilité d'enseignants-chercheurs en entreprise ».

Tous deux balaient l'idée que les formations universitaires ne seraient pas assez professionnalisantes. « Cette image ancienne , qui relève de la licence générale - dont la vocation est de conduire au master, et non pas à l'insertion professionnelle immédiate - est fausse », s'agace Guillaume Gellé en listant « les masters qui insèrent à 95 % avec des salaires proches de ceux des grandes écoles », les licences professionnelles ou la transformation des diplômes de DUT en bachelors universitaires de technologie (BUT).