Plus que jamais, les immigrés font marcher la machine économique occidentale. Des deux côtés de l'Atlantique, l'importance des travailleurs étrangers est grandissante depuis la fin du Covid.

Aux Etats-Unis, depuis la fin 2019, l'économie a créé 2,6 millions d'emplois environ. Le nombre de personnes nées à l'étranger occupant un emploi a, lui, augmenté de 3,5 millions, alors que celui des travailleurs nés aux Etats-Unis a reculé de 900.000. Le taux d'emploi des personnes nées sur le territoire américain a légèrement baissé. La proportion d'immigrés dans les emplois est, elle, passée de 17 % fin 2019 à 19 % fin 2023.

Confrontée à une poussée inflationniste et à une demande importante après la fin des confinements et des restrictions, la Réserve fédérale a dû relever ses taux vite et fort pour refroidir l'économie. Pour l'administration Biden, la manière de gérer la surchauffe du marché du travail américain depuis 2021 a été de faciliter la venue de la main-d'oeuvre étrangère. En 2022 et 2023, 6 millions d'immigrés sont arrivés aux Etats-Unis. Cet afflux a permis aux salaires de freiner un peu l'an passé alors que le taux de chômage est resté sous les 4 % depuis plus de deux ans.

C'est moins le cas en Europe, bien plus éloignée de la surchauffe que les Etats-Unis. Mais « sans l'arrivée de la main-d'oeuvre immigrée, les difficultés de recrutement auraient été plus importantes et en conséquence, les tensions salariales auraient sans doute été plus élevées », souligne Charles-Henri Colombier, économiste chez Rexecode. Dans l'UE, 4,9 millions d'emplois ont été créés ces quatre dernières années. Le nombre de personnes nées en dehors de l'Union et occupant un emploi a crû de 3,8 millions, et celui des personnes qui y sont nées et y travaille a, lui, grimpé de 1,1 million. Les trois quarts des emplois créés en Europe depuis la fin 2019 sont donc allés à des immigrés. Beaucoup sont Ukrainiens, notamment en Allemagne et en Pologne.

Démographie déclinante

Sur les onze premiers mois de 2023, le nombre de personnes nouvelles et nées à l'étranger cotisant à l'équivalent allemand de la Sécurité sociale - ce qui signifie qu'elles occupent un emploi - a augmenté de 315.000, tandis que celui des personnes nées en Allemagne a baissé de 99.000. L'Espagne connaît elle aussi un afflux d'immigrés depuis la fin du Covid, en provenance d'Amérique latine ou encore du Maroc. Entre 2019 et 2023, le nombre d'immigrés installés dans le pays a progressé de 1,2 million.

« Dans l'UE , en raison d'une pyramide des âges déséquilibrée, pour stabiliser la population en âge de travailler, il faudrait faire venir environ 700.000 travailleurs étrangers chaque année. Le déclin démographique soutient donc la demande de main-d'oeuvre immigrée », selon Charles-Henri Colombier. La population en âge de travailler devrait reculer de 20 % d'ici à 2050, selon une étude d'Allianz Trade. « Cette arrivée d'étrangers permet à la population active de la zone euro d'être un peu plus dynamique que celle des Etats-Unis depuis 2019 », souligne Nicolas Goetzmann, chef économiste de la Financière de la Cité.

La France est la seule des grandes économies européennes à afficher un excédent naturel. « Si l'Allemagne relevait l'âge du départ à la retraite à 68 ans, si elle faisait les efforts nécessaires pour que le taux d'emploi des femmes, des seniors et des immigrés rattrape le niveau de la Suède, alors il faudrait tout de même que 200.000 travailleurs étrangers arrivent dans le pays chaque année », estiment les auteurs de l'étude. Sinon l'afflux de main-d'oeuvre étrangère serait de 485.000 étrangers en âge de travailler par an d'ici à 2050 pour que le nombre d'heures travaillées reste au niveau de 2023. « En théorie, l'UE pourrait combler le déficit de main-d'oeuvre si les gains de productivité étaient élevés mais ce n'est pas le cas. Ils sont même très négatifs depuis un an », rappelle Charles-Henri Colombier.Mais cet afflux de travailleurs étrangers semble difficile à gérer, notamment en Europe, avec une économie déprimée et un pouvoir d'achat en berne. En effet, les candidats nationalistes montent un peu partout dans les sondages.