« Après une période prolongée de stagnation, l'économie européenne revient à une croissance modeste », a annoncé, vendredi, Paolo Gentiloni, le commissaire européen aux Affaires économiques. Alors que l'élection de Donald Trump place un grand point d'interrogation sur le commerce mondial l'an prochain, les prévisions d'automne de Bruxelles ne font pas rêver. La croissance de la zone euro devrait se limiter à 1,3 % en 2025 (après 0,8 % cette année), puis 1,6 % en 2026. L'UE dans son ensemble devrait faire un peu mieux : 1,5 % l'an prochain (contre 0,9 % cette année), puis 1,8 % en 2026.
C'est la consommation des ménages qui devrait tirer cette modeste croissance, avec des augmentations de salaires qui permettent aux Européens de retrouver du pouvoir d'achat après la bouffée inflationniste provoquée par la crise énergétique. La baisse des taux d'intérêt consécutive à la désinflation devrait réduire les incitations à épargner. L'inflation dans la zone euro, à 2,4 % en 2024, devrait tomber en 2025 à 2,1 %, tout près de l'objectif de la Banque centrale européenne, puis même passer en dessous en 2026, à 1,9 %.Désinflation
En France, la hausse des prix devrait se limiter à 1,9 % l'an prochain et 1,8 % en 2026. La Belgique, économie où les salaires et les prestations sociales sont indexés sur les prix, continue d'afficher la plus forte inflation de la zone euro : 4,4 % en 2024, 2,9 % en 2025. La consommation des ménages devrait aussi bénéficier de la très bonne tenue du marché du travail. En octobre, le taux de chômage de l'Union a touché un nouveau plus bas historique, à 5,9 % de la population active, et devrait rester à ce niveau en 2025 et 2026. Bruxelles attend par ailleurs un rebond de l'investissement des entreprises, compte tenu des meilleures conditions de crédit et de bénéfices globalement en hausse.Dans le détail, l'Allemagne, première économie du bloc, doit certes sortir de la récession, après un recul de 0,1 % de son PIB cette année et de 0,3 % en 2023. Mais lentement, avec un rebond de 0,7 % l'an prochain et 1,3 % en 2026. La guerre en Ukraine a durablement déstabilisé le modèle économique allemand. La coalition menée par Olaf Scholz vient de tomber sur la question budgétaire et des législatives anticipées doivent se tenir en février.
En France, la croissance devrait fléchir l'an prochain, à 0,8 % contre 1,1 % cette année, avant de revenir à 1,4 % en 2026. Le gouvernement Barnier est engagé dans une dynamique de réduction du déficit public, qui a dérapé dans les grandes largeurs en 2024, à 6,2 % du PIB (le deuxième plus élevé de l'UE, après celui de la Roumanie). Mais Bruxelles le voit encore à 5,3 % en 2025, et même remonter à 5,4 % en 2026, sur la base des informations reçues de Paris au 25 octobre.
Bercy a transmis le mois dernier à Paolo Gentiloni une trajectoire budgétaire sur sept ans sur laquelle la Commission doit se prononcer à la fin novembre. En 2024, un nouveau Pacte de stabilité a été adopté par l'UE, qui prévoit des ajustements automatiques pour les pays à fort déficit comme la France, la Belgique (4,6 % en 2024), l'Italie (3,8 % en 2024). Le nouveau Pacte sera pleinement appliqué à partir de 2025. Le successeur de Paolo Gentiloni, le Letton Valdis Dombrovskis, ancien ministre des Finances, passe pour plus sévère.En 2025, le déficit public moyen de la zone euro devrait tomber sous le seuil des 3 % du PIB prévu par le traité de Maastricht et conservé dans le nouveau pacte. Le taux de dette publique agrégé des vingt pays de la monnaie unique, en revanche, devrait progresser de 89,1 % du PIB en 2024 à 90 % en 2026, poussé par l'importance du service de la dette contractée à des taux élevés. Parmi les grandes économies de l'UE, l'Espagne se distingue avec un taux de croissance de 3 % en 2024. Cette dynamique devrait légèrement ralentir à 2,3 % en 2025 puis 2,1 % en 2026. Alors que quatre Etats membres ont vu leur économie se rétrécir en 2024 (Allemagne, Irlande, Autriche et Finlande), tous les pays de l'Union devraient revenir en terrain positif en 2025.Les champions de la croissance se trouvent à l'Est. La Pologne, qui assurera la présidence tournante de l'UE au premier semestre 2025, poursuit un rattrapage impressionnant : 3 % en 2024, 3,6 % en 2025, 3,1 % en 2026. La Croatie devrait voir son PIB bondir de 3,3 % en 2025 puis encore 2,9 % en 2026. Du côté des « vieux » Etats membres, le Danemark se distingue avec une progression du PIB de 2,4 % en 2024 et 2,5 % en 2025. Le royaume scandinave connaît un petit miracle économique tiré par le succès phénoménal de Novo Nordisk. Le groupe pharmaceutique qui fabrique l'antidiabétique coupe-faim Ozempic affiche une capitalisation boursière de 350 milliards.
Parmi les risques identifiés par Bruxelles figurent les conséquences géopolitiques des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, une guerre commerciale générale dont souffrirait fort l'UE, le bloc le plus ouvert au monde, les incertitudes politiques domestiques au sein de l'Union, l'impact des consolidations budgétaires et les retards dans la mise en oeuvre des plans de relance nationaux issus du plan post-Covid. Les Vingt-Sept ont adopté il y a dix jours à Budapest une déclaration sur la compétitivité qui charge la Commission de proposer des mesures dès le premier semestre 2025 pour rattraper le retard technologique accumulé à l'égard des Etats-Unis et de la Chine.