Ce dessin épuré, choisi par Verlaine pour illustrer la première édition des œuvres complètes du poète maudit (1895), sera exposé pour la première fois au public à l'occasion de la vente de la collection Hugues Gall. 

"Ce dessin-là, c'est la pépite de la collection", s'enthousiasme Ambroise Audoin, expert de la vente. L'œuvre a un parcours "typique des objets rimbaldiens", conservée pendant 130 ans dans des collections privées, selon lui. 

Rimbaud, 17 ans alors, silhouette dégingandée, est représenté de profil, cheveux longs coiffés d'un chapeau, mains dans les poches et fumant la pipe. 

Loin des caricatures du poète à l'époque, Verlaine "présente le jeune Rimbaud tel qu'il était quand il arrive à Paris, les mains dans ses poches crevées", décrit M. Audoin. "C'est l'idée de Rimbaud déambulateur et visionnaire", avec ses jambes "quasiment disproportionnées", très "présente dans l'histoire rimbaldienne". 

Ce dessin, réalisé "de mémoire" par Verlaine à une date inconnue, représente "un moment décisif de leur histoire commune, de l'histoire littéraire de Rimbaud", estime l'expert, où le poète "se fait voyant par un dérèglement de tous les sens".

En juin 1872, Rimbaud a déjà été introduit puis rejeté par les cercles littéraires parisiens, excédés par ses scandales. 

"C'est à ce moment-là que le destin des deux amants va se lier", poursuit M. Audoin. Dès le mois de juillet, Verlaine et Rimbaud partent en voyage en Belgique et à Londres, où ils vivront les moments les plus intenses de leur histoire d'amour, qui s'achève avec le coup de feu de l'auteur des Poèmes saturniens sur Rimbaud à l'été 1873.

Dans sa préface aux Poésies Complètes publiées en 1895, quatre ans après la mort du poète, Verlaine écrit: Rimbaud "avait un visage parfaitement ovale d'ange en exil, une forte bouche rouge au pli amer". 

"L'image de Rimbaud intéresse beaucoup", souligne M. Audoin. "(André) Breton, à la fin des années 40, écrit cette phrase qui résume tout: +Tu ne connaîtras jamais bien Rimbaud+".