Alerté d'un départ clandestin, le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez a déployé jeudi soir plusieurs navires de sauvetage et un hélicoptère belge, a indiqué la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar) vendredi.

L'embarcation "se déchirait en son centre, les passagers tombant à l'eau pour certains, alors que d'autres se maintenaient aux éléments pneumatiques", a détaillé à l'AFP le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras.

Les secours ont pris en charge 68 personnes, soit "52 hommes, 12 femmes et quatre enfants (...), essentiellement de nationalité iranienne, irakienne, albanaise, érythréenne", selon le procureur.

Mais "parmi ceux-ci, il était constaté le corps sans vie d'un nourrisson de quatre mois", probablement originaire du Kurdistan irakien, à bord "avec ses parents et deux autres enfants", a précisé M. Le Bras.

Dans le cadre d'une enquête ouverte notamment pour "homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence", les services de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) "procèdent aux auditions de 50 naufragés en qualité de témoins", a continué M. Le Bras.

- Canots surchargés -

Les départs se poursuivent malgré un phénomène de grandes marées prévu jusqu'à dimanche, qui rend la navigation particulièrement compliquée.

Dans la soirée de jeudi, "les associations ont appelé sept fois le Cross pour signaler des embarcations en détresse (soit environ 400 personnes) pour lesquelles les secours sont intervenus", a assuré dans un communiqué l'association Utopia 56.

L'association a de nouveau appelé à "une politique d'accueil en France et de passage sûr vers l'Angleterre".

"Alors que les gouvernements français et européens multiplient les annonces autoritaires sur la migration, les effets de la répression se manifestent encore dans toute leur horreur", a réagi une autre association, L'Auberge des migrants, sur X.

Noyades et bousculades mortelles, sur des canots surchargés à bord desquels peu de passagers disposent de gilets de sauvetage, ont fait de 2024 l'année la plus meurtrière depuis le début en 2018 du phénomène des small boats, ces embarcations de fortune utilisées pour tenter de rejoindre l'Angleterre.

Au moins 52 personnes sont décédées depuis le 1er janvier, selon un décompte effectué par l'AFP sur la base de chiffres officiels.

Parmi ces victimes figurent régulièrement des enfants. Le 3 septembre, la moitié des douze victimes du pire naufrage de l'année, qui a fait 12 morts, étaient mineures. Le 5 octobre, un enfant de deux ans est mort écrasé dans une embarcation transportant près de 90 personnes et tombée en panne de moteur.

- Verrouillage -

Le recours aux small boats est venu en réponse au verrouillage de plus en plus fort des accès au tunnel sous la Manche et au port de Calais.

Les embarcations arrivées sur les côtes britanniques depuis le 1er janvier comptent en moyenne 53 passagers chacune, contre seulement 13 en 2020, selon les chiffres officiels des autorités britanniques.

D'après celles-ci, plus de 26.000 migrants sont arrivés en Angleterre après avoir traversé la Manche depuis le début de l'année.

Élu en juillet, le gouvernement britannique du travailliste Keir Starmer a promis de s'attaquer à l'immigration illégale en augmentant le nombre d'expulsions de migrants et en luttant contre les passeurs.

Ce nouveau décès est intervenu peu avant que le Premier ministre français Michel Barnier, ne se rende à la frontière franco-italienne pour parler immigration. Il a souligné que le transfert de migrants vers des pays tiers, comme l'Italie a commencé à le faire avec l'Albanie, n'est pas "transposable" en France.

Jeudi, les 27 réunis en sommet à Bruxelles ont haussé le ton contre l'immigration irrégulière, en réclamant "en urgence" une loi pour accélérer les expulsions, après des discussions qui ont aussi mis en lumière de vifs désaccords au sein de l'Union.