La vidéo de l'arrestation le 25 mars de Rumeysa Ozturk, une doctorante de l'université Tufts dans le Massachusetts, par des agents en civil des services de l'immigration (ICE), visages masqués et pour certains capuche sur la tête, en vue de son expulsion, avait suscité l'indignation.

Un juge fédéral de l'Etat voisin du Vermont, dans le nord-est des Etats-Unis, a ordonné vendredi "au gouvernement de la relâcher immédiatement".

Le seul motif invoqué par l'administration Trump pour justifier l'expulsion de Rumeysa Ozturk est un article qu'elle avait cosigné en mars 2024 dans son journal universitaire, le Tufts Daily, critiquant la façon dont son établissement gérait le mouvement de protestation contre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza.

L'exécutif a eu depuis largement l'occasion de présenter d'autres éléments à charge, mais ne l'a pas fait, a rappelé le juge William Sessions au terme d'une audience à laquelle elle a participé en visioconférence d'un centre de détention géré par ICE en Louisiane (sud) où elle est incarcérée depuis plus de six semaines.

"Dans le même temps, la prolongation de sa détention censure la liberté d'expression de millions de personnes qui ne sont pas citoyens de ce pays. N'importe laquelle d'entre elles peut maintenant hésiter à exercer sa liberté d'expression garantie par le Premier amendement (de la Constitution, NDLR) de crainte d'être embarquée vers un centre de détention loin de chez elle", a souligné le magistrat.

- Procédure d'expulsion en cours -

Le juge Sessions a refusé d'assortir cette libération des restrictions de mouvement suggérées par le gouvernement. Rumeysa Ozturk est "libre de retourner chez elle au Massachusetts" et dans le Vermont et de se déplacer au-delà de ces deux Etats, a-t-il précisé.

Il a néanmoins exigé que cette libération soit supervisée régulièrement par un centre municipal de réinsertion des détenus dans le Vermont qui lui en rendra compte.

Le magistrat a également proposé que les deux parties conviennent de "conditions légères" à sa liberté d'aller et venir puisqu'elle reste sous le coup d'une procédure d'expulsion.

Le ministre turc de la Justice, Yilmaz Tunç, a salué cette libération comme un "développement positif qui apaise notre conscience", dans une déclaration sur X, estimant "inacceptable qu'un individu soit poursuivi en raison de sa foi et de son soutien à la Palestine".

Un conseiller de la Maison Blanche, Stephen Miller, a en revanche dénoncé une fois de plus "un coup d'Etat judiciaire", assurant que la révocation d'un visa relevait des prérogatives exclusives du pouvoir exécutif.

"Passer plus de six semaines en détention pour avoir écrit une tribune est un cauchemar constitutionnel. Sa libération est une victoire pour quiconque défend la justice, la liberté d'expression et les droits humains fondamentaux", a réagi dans un communique Monica Allard, une avocate de l'influente organisation de défense des droits civiques ACLU.

Dans une affaire similaire, un autre juge fédéral du Vermont avait ordonné le 30 avril la libération d'un étudiant palestinien impliqué dans le mouvement à l'université Columbia contre la guerre à Gaza et arrêté en pleine démarche de naturalisation deux semaines auparavant.

Mohsen Mahdawi est le cofondateur d'un groupe d'étudiants palestiniens à l'université new-yorkaise Columbia, avec Mahmoud Khalil, figure de la mobilisation estudiantine propalestinienne aux Etats-Unis, que l'administration de Donald Trump tente d'expulser depuis son arrestation le 8 mars.

Le président républicain a lancé une offensive contre les grandes universités américaines, les accusant de laisser prospérer sur leurs campus des mouvements de soutien aux Palestiniens face à l'offensive israélienne dans la bande de Gaza, qu'il assimile à des manifestations d'antisémitisme.