Instagram, WhatsApp, Paper, peut-être un jour Rift… La stratégie de Facebook, depuis deux ans, est claire : le réseau social multiplie les marques. Celles-ci continuent d'avoir leur existence propre, leur public, leurs fonctionnalités. Et si elles ne génèrent pas toutes des revenus à ce stade, elles montrent le changement de cap de la politique de développement de la société californienne. De 2004 à 2012, Facebook a axé sa stratégie sur la croissance de sa base d'utilisateurs. Le réseau social a mis quatre ans pour atteindre les 100 millions d'utilisateurs, six ans pour arriver à 500 millions et huit ans pour atteindre le milliard. Et, si ses dirigeants parlent désormais de la conquête du « prochain milliard », ils savent que celle-ci - si elle réussit - sera beaucoup plus longue. D'autant que certains chiffres, parfois contradictoires, n'en sont pas moins inquiétants, notamment sur l'utilisation de Facebook chez les adolescents aux Etats-Unis.Pour éviter la désaffection et le sort subi par un Second Life ou un Myspace, qui se sont vu débordés par leurs rivaux, Facebook a choisi d'anticiper, en favorisant l'émergence de plusieurs marques, en se positionnant sur de nouvelles technologies et en diversifiant ses revenus. Pour éviter la mort du réseau social, le nouveau géant se démultiplie ainsi en diverses applications.

Le Facebook Creative Labs prépare l'avenir

Cette stratégie a commencé avec le rachat d'Instagram. Facebook n'avait pas hésité à débourser 1 milliard de dollars (un prix ramené ensuite à 750 millions) pour mettre la main sur l'application de partage de photos, qui vient de dépasser les 150 millions d'utilisateurs actifs. Elle s'est prolongée avec l'acquisition record de WhatsApp, pour 19 milliards de dollars, approuvée la semaine dernière par les autorités américaines de la concurrence. L'application continue d'avoir son autonomie et pourrait flirter, actuellement, avec les 500 millions d'utilisateurs à travers le monde. Facebook a également lancé lui-même une série d'applications destinées à des usages différents, comme Poke (une sorte de Snapchat, dont les messages s'effacent automatiquement après quelques secondes) ou Paper (similaire à Flipboard, qui agrège des articles d'information). Pour réfléchir à de nouveaux projets, la société a même créé une unité spéciale, le Facebook Creative Labs. A l'occasion du dixième anniversaire de la société, en début d'année, Mark Zuckerberg expliquait ainsi à « Businessweek » : « Nous pensons qu'il existe différentes manières pour les gens de partager et que réunir toutes ces possibilités dans une seule application bleue n'est pas la bonne voie, à l'avenir. »

Diversification des revenus

Dernier exemple en date de cette stratégie, l'annonce faite la semaine dernière aux utilisateurs européens : ils ne pourront plus envoyer de messages personnels à leurs contacts à partir de l'application mobile de Facebook. Ils devront désormais avoir téléchargé l'application Facebook Messenger pour continuer à discuter en privé. A terme, c'est l'ensemble du milliard d'utilisateurs actifs sur mobile qui pourrait être concerné. Objectif : doper l'audience de Facebook Messenger. Selon Pamela Clark-Dickson, analyste chez Informa Telecoms & Media, « alors que WhatsApp et Instagram peuvent être considérés comme des services de communication, il semble que Facebook veuille positionner Facebook Messenger comme un service de messagerie mais aussi comme une plate-forme de contenus. Ses concurrents sur ce marché seraient alors les asiatiques Line, Kakao et WeChat (Tencent) ou les nord-américains Tango et Kik ». C'est ainsi que Facebook a rajouté des services à Messenger, comme les stickers (très rémunérateurs chez Line, par exemple) ou la voix sur IP. De quoi diversifier son modèle publicitaire.Cette stratégie multimarque pourrait bien commencer à porter ses fruits sur l'audience : selon le dernier sondage de Piper Jaffray, qui classe les réseaux sociaux préférés des adolescents américains, Instagram vient de déloger de la première place Twitter, qui avait lui-même ravi la tête du classement... à Facebook, le semestre précédent. Si les prédictions des plus pessimistes se confirment, Mark Zuckerberg pourra donc un jour proclamer : « Facebook est mort, vive Facebook ! ».