Avec la sortie d'un 56e album, "Léonard" est l'une des rares séries de la BD familiale de la fin du XXe siècle à rester populaire, même si elle n'atteint pas la notoriété d'Astérix ou Lucky Luke.

Son succès n'allait toutefois pas de soi. Car "Léonard a tout d'un anti-héros. Il est âgé, pas très sympathique et mégalomane", reconnait Philippe Liégeois, alias Turk.

Très librement inspiré de Léonard de Vinci, ce vieillard à la longue barbe blanche passe ses journées à imaginer de nouvelles inventions parfois ingénieuses, souvent loufoques.

Inévitablement, elles dégénèrent, pour le malheur de son disciple et souffre-douleur, le très maladroit Basile. 

"L'unique objectif est de faire rire avec des gags, des jeux de mot et des anachronismes", résume Turk qui, à 78 ans, "ne veut surtout pas se prendre au sérieux". 

Lorsqu'ils inventent Léonard en 1975, Turk et le scénariste Bob de Groot, lui aussi belge, s'inspirent de l'esprit burlesque et bouffon des dessins animés de Tex Avery et des films de Laurel et Hardy. En appliquant les principes du "slapstick", un genre basé sur l'exagération et l'aspect comique de la violence.

- "Tant que je m'amuse..." -

50 ans après, l'esprit de "Léonard", scénarisé par Zidrou depuis 2015, n'a pas changé. "C'est pour cela que le public est fidèle car ce qui l'accroche, c'est l'attachement qu'il porte aux personnages", soutient Turk.

Lors des séances de dédicace, "les jeunes qui viennent me voir sont toujours poussés par leurs parents, qui ont lu Léonard lorsqu'ils étaient jeunes. C'est comme ça que se renouvelle le lectorat".

Au total, plus de 9 millions d'albums ont été vendus en cinq décennies, selon son éditeur, Le Lombard. Avec un pic à la fin des années 90 lorsque "Léonard" était prépublié par le magazine Pif Gadget.

Même si l'âge d'or est passé, chaque nouveau album s'écoule encore à 30.000/35.000 exemplaires, un chiffre relativement élevé dans la BD.

"Tant que je m'amuse, je continue", annonce Turk, qui passe toujours de longues heures à dessiner sur sa tablette graphique dans sa maison perdue dans les bois près de Namur, dans le sud de la Belgique.

Le 57e album est déjà terminé, "et on verra après", précise l'auteur, qui ne veut "pas faire l'album de trop".

Ce qui est sûr, c'est que Turk ne veut pas que la série se poursuive lorsqu'il arrêtera, comme c'est le cas pour Astérix ou Lucky Luke. "Si elle est reprise par quelqu'un qui dessine mieux que moi, ça ne va pas me plaire. Et s'il le dessine plus mal, ça ne me plaira pas non plus", explique-t-il en souriant.

"Léonard semble très facile et fluide à lire mais la BD humoristique est un art vraiment complexe. Surtout pendant 50 ans comme l'a fait Turk", souligne, admiratif, Ronan Lancelot, le directeur de la galerie parisienne Huberty et Breyne, qui célèbre cet anniversaire en exposant des planches originales de "Léonard" jusqu'au 11 octobre.