Les deux groupes industriels avaient annoncé en décembre 2023 le projet d'acquisition à 14,9 milliards de dollars (dette comprise) de U.S. Steel par Nippon Steel.

Mais la Commission des investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS), chargée d'évaluer les conséquences sur la sécurité nationale de rachats d'entreprises américaines par des groupes étrangers, n'était pas parvenue à un consensus sur l'opération.

Le président Joe Biden l'avait finalement bloquée quelques semaines avant son départ de la Maison Blanche en janvier, arguant de questions de sécurité.

Or, M. Trump, qui avait également jugé pendant sa campagne présidentielle qu'U.S. Steel devait rester sous pavillon américain, semble désormais vouloir revisiter la perspective d'une acquisition.

"Je requiers de la CFIUS qu'elle mène un examen de l'acquisition d'U.S. Steel par (Nippon Steel) pour m'aider à déterminer si une action supplémentaire est nécessaire", a-t-il indiqué lundi dans une note à plusieurs ministres.

La CFIUS, qui dispose de 45 jours pour soumettre ses recommandations au président, devra "décrire si les mesures proposées par les parties sont suffisantes pour atténuer tous les risques identifiés en matière de sécurité nationale".

Cette annonce intervient sur fond d'une guerre commerciale, avec l'imposition ce mercredi de surcharges douanières de 24% visant les produits japonais, l'acier nippon étant lui déjà surtaxé à 25% depuis mi-mars - avec l'objectif pour Washington de doper les investissements industriels aux Etats-Unis.

Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a annoncé lundi être convenu par téléphone avec Donald Trump de poursuivre les discussions pour trouver un compromis commercial.

- "Examen objectif" -

"Nous sommes ravis que le président Trump ait ordonné un nouvel examen (...) Nous sommes convaincus qu'un examen objectif et factuel de notre projet démontrera qu'il renforcera l'économie et la sécurité nationale américaines", a réagi Nippon Steel mardi.

"Nous attendons avec impatience une résolution rapide afin de pouvoir commencer à réaliser les investissements prévus", a-t-il ajouté.

Le regain d'espoir sur un rachat a été salué par les investisseurs: U.S. Steel a terminé en hausse de 16,22% lundi à la Bourse de New York. 

Et mardi à Tokyo, l'action Nippon Steel s'est envolée de jusqu'à 11% à l'ouverture. Elle a clôturé en hausse de 5,99%.

"L'action (de Donald Trump) valide la décision courageuse de notre conseil d'administration de s'opposer à l'ordre illégal du président Biden", a réagi U.S. Steel, auprès de l'AFP.

Cette initiative "cruciale" intervient au moment où "nous travaillons pour réaliser de nouveaux investissements historiques dans la sidérurgie américaine", a-t-il insisté.

U.S. Steel, en difficulté, avait décrit son rachat par Nippon Steel comme un moyen de "combattre la menace concurrentielle de la Chine" et d'assurer sa prospérité future. En cas d'échec, il craint de se voir contraint à renoncer à des investissements massifs de modernisation, avec de possibles fermetures d'aciéries.

- "Menace inchangée" -

Le président du syndicat de la sidérurgie (USW) David McCall, opposé au rachat, a cependant estimé que "quelle que soit la quantité d'examens du projet d'acquisition (...), cela ne change pas la menace pressante qu'il représente pour notre sécurité nationale et économique, l'avenir à long terme du secteur ou les emplois". 

Todd Tucker, directeur de politique industrielle du Roosevelt Institute, rappelle que l'opposition de Joe Biden découlait de l'inquiétude syndicale à l'égard du manque d'investissements des deux partenaires pour assurer la pérennité de la sidérurgie américaine.

A moins que l'offre n'ait notamment été "drastiquement modifiée", les entreprises et l'administration Trump "devraient se soucier de ne pas avoir le soutien syndical pour opérer", prévient-il.

Taku Sugawara, analyste chez IwaiCosmo Securities, se montrait également circonspect: "Il n'est pas certain que Nippon Steel puisse faire de US Steel sa filiale à 100%, car Trump s'y est toujours refusé. Trump a peut-être réagi instinctivement pour remettre en marche quelque chose qui était bloqué", commente-t-il, cité par Bloomberg.

Donald Trump avait rencontré le patron de Nippon Steel début février à la Maison Blanche. Avant d'ouvrir quelques jours plus tard la voie à "un gros investissement" du groupe nippon dans U.S. Steel, lors d'une rencontre avec Shigeru Ishiba.