A quinze jours des élections européennes, le gouvernement et le Parlement affichent leur « volonté conjointe de construire une Europe sociale à la hauteur des attentes de nos concitoyens », comme l'a souligné la sénatrice socialiste Anne Ermery-Dumas, rapporteure du texte : le Sénat a adopté, mardi soir, une proposition de loi du député PS Gilles Savary visant à « lutter contre le dumping social » en renforçant les obligations des entreprises recourant à des travailleurs détachés, et les sanctions en cas de fraudes. Le texte, consensuel (seule l'UMP s'est abstenue) et déjà adopté en février par l'Assemblée, doit être finalisé en commission mixte paritaire, à une date encore à définir et pour une adoption attendue avant l'été.

Concurrences déloyales

Une directive européenne de 1996 prévoit qu'un salarié détaché dans un pays de l'Union y bénéficie du noyau dur des droits locaux (salaires, temps de travail, etc.) mais que ses cotisations sociales restent versées dans son pays d'origine, aux taux locaux, généralement bien plus bas qu'en France. Mais les fraudes et les contournements se multiplient et créent des concurrences déloyales sur fond d'explosion du nombre de détachés. En France, il a avoisiné 220.000 l'an passé (25.000 emplois en équivalent temps plein), un total qui a doublé depuis 2010 et ne constitue que la partie émergée de l'iceberg, puisque les détachés non déclarés sont jugés potentiellement aussi nombreux, voire plus, que les déclarés. Sous la pression des syndicats et du patronat, le gouvernement est monté au créneau et a arraché en décembre un compromis des Etats membres pour renforcer la lutte contre les abus. Cette nouvelle directive d'exécution a été adoptée le 16 avril par le Parlement européen. Chaque pays a deux ans pour la transcrire dans son droit national.Le texte adopté mardi vient traduire dès maintenant en droit français ce compromis et renforcer son caractère coercitif. Il reprend ainsi le principe de « responsabilité solidaire », avec sanctions financières, du donneur d'ordre en cas de fraudes au détachement par un de ses sous-traitants. Ce principe s'appliquera non seulement au BTP, comme prévu dans l'accord européen, mais aussi à tous les autres secteurs. Il a également simplifié et renforcé les règles liées à la déclaration préalable de détachement et la réforme en cours de l'Inspection du travail prévoit de renforcer et mieux cibler les contrôles.

Liste noire des entreprises condamnées

Le texte renforce aussi plus largement la lutte contre le travail illégal. Il instaure une liste noire sur Internet où pourront figurer, sur décision du juge et durant deux ans, les entreprises condamnées pour travail illégal. L'Assemblée nationale ne le prévoyait qu'en cas d'amendes dépassant 15.000 euros mais, contre l'avis du gouvernement, le Sénat a supprimé ce seuil. Toujours contre l'avis du gouvernement, il a aussi durci, à l'initiative des communistes, les sanctions envers les entreprises condamnées pour travail illégal : elles ne seraient plus seulement privées, jusqu'à cinq ans, d'aides publiques, mais aussi sommées de rembourser celles perçues durant la période de la fraude. Ces durcissements devraient être redébattus en commission mixte paritaire.

L'épineuse question des travailleurs détachés en France sur lesechos.fr/france