Envisagée depuis plusieurs mois, la réforme du financement des centres de formation d'apprentis (CFA), connaît une nette accélération. La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a donné ce lundi le coup d'envoi d'une concertation censée aboutir début février pour une mise en oeuvre à la rentrée. L'objectif ? Mettre fin à un système par nature inflationniste, sans renier le principe fondateur de la loi Pénicaud de 2018 : toute formation en alternance doit être financée.

Depuis le rapport de la Cour des comptes de 2022, suivi de celui de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) de décembre de la même année, de la revue de dépenses de l'Igas et de son pendant des finances, l'IGF, de l'été 2023, pour finir par un autre rapport, de l'Igas encore, tout juste rendu public : c'est peu dire que le sujet a été ausculté sous toutes les coutures. Mais sans que la plupart des recommandations émises n'aient été suivies d'effet, souligne le dernier opus. Pour mémoire, la libéralisation de l'apprentissage depuis 2018, couplée à des primes à l'embauche généreuses (même si elles ont été réduites depuis et vont l'être encore l'année prochaine), a provoqué un accroissement sans précédent du nombre de jeunes qui se sont engagés dans cette voie de formation mêlant théorie en CFA et pratique en entreprise. Les effectifs sont passés de 321.000 en 2018 à 853.000 en 2023. Conséquence mécanique, les subventions aux CFA pour couvrir leurs coûts pédagogiques (salaires des enseignants, plateaux techniques, immobilier…) ont explosé : malgré plusieurs coups de rabot en 2022 et 2023, elles sont attendues à hauteur de 10 milliards cette année, a prévu le conseil d'administration de France compétences, l'autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Comme la contribution des entreprises n'y suffit pas, l'Etat est obligé de mettre la main à la poche et cherche à réduire la facture (2 milliards en 2024, 1,3 milliard prévu pour 2025 selon la rumeur).

Mix des deux scénarios

Tel qu'appliqué, le mécanisme de calcul de ces subventions fait l'unanimité contre lui ou presque : trop complexe, il est basé sur une savante comparaison entre ce qui ressort des comptabilités analytiques des CFA (très perfectibles !) avec les niveaux de prise en charge (NPEC), établis par les branches professionnelles pour chaque formation, peu d'entre elles maîtrisant réellement l'exercice de l'avis général. Le nombre de ces niveaux de prises en charge - 57.600 en 2023 pour les formations accueillant au moins un apprenti - donne une idée du tableau ! « Les CFA n'ont aucune incitation à optimiser les coûts unitaires de leurs formations si les NPEC fixés par les branches ne les y contraignent pas », constate l'Igas. « Les branches professionnelles déterminent les niveaux de prise en charge sans qu'elles soient responsabilisées financièrement en la matière », ajoute-t-elle.Pour sortir de l'ornière, le ministère va proposer à la concertation un mix des deux scénarios détaillé par les auteurs du rapport, selon nos informations. France compétences fixera des niveaux de subventions par formation en se basant toujours sur les observations des coûts des CFA. Les branches pourront les moduler selon leurs priorités mais toute hausse sur une formation devra être compensée par une baisse sur une autre. Tout cela pourra se faire par voie réglementaire. Un deuxième étage de la réforme, prévoyant un seul niveau de subvention par formation quelle que soit la branche, est envisagé à condition de trouver sa place dans un véhicule législatif. La concertation pourra aussi déboucher sur un changement dans le périmètre de couverture des subventions qui pourraient, par exemple, inclure les investissements amortissables sur plus de trois ans. Autre évolution sur la table, les formations à distance pourraient être moins prises en charge.