Des bombardements et des tirs ont commencé mardi dernier quand les Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l'armée depuis près de deux ans, ont pris d'assaut ce camp de déplacés, incendiant le principal marché, selon des témoins.
"Les bombes tombaient sur les maisons, il y avait des corps dans la rue, c'était impossible de rester", a raconté Sarah à l'AFP à son arrivée à Tawila, une localité située à 60 kilomètres à l'ouest de Zamzam.
"Au milieu de la nuit, nous avons pris les enfants et nos grand-mères et avons commencé à marcher", a affirmé cette étudiante en littérature.
Un journaliste de l'AFP a rencontré des familles en fuite dans cette petite ville ravagée par la faim, coupée de presque tout accès humanitaire et médiatique.
Sarah et sa famille ont marché durant trois jours, hantés par les avions qui les survolaient et les paramilitaires croisés en chemin.
"Ceux qui avaient pris la fuite ont été pillés et attaqués sur la route, un jeune homme a été tué", a déclaré la jeune femme de 22 ans ayant emprunté un pseudonyme par crainte de représailles.
Le camp de Zamzam, le plus grand du Darfour avec 500.000 à un million de personnes d'après des sources humanitaires, a été le premier endroit où l'état de famine a été déclaré au Soudan en août dernier.
Depuis avril 2023, lorsque la guerre a éclaté entre l'armée et les FSR, il a accueilli des vagues de déplacés du Darfour.
Mais la semaine dernière, les habitants du camp de Zamzam, créé en 2004, ont fui leur ultime refuge.
- "Sang" et "cadavres" -
Depuis mai 2024, les FSR assiègent el-Facher, la capitale de l'Etat du Darfour-Nord, juste au nord de Zamzam, sans réussir à s'en emparer.
Elles ont multiplié leurs attaques contre la ville et les villages environnants ces dernières semaines, forçant des milliers de personnes à fuir, selon l'ONU.
Les images satellites analysées par l'AFP ont montré jeudi des bâtiments rasés à l'entrée est du camp.
Les rues "sont devenues des champs de morts pleins de sang et de cadavres (...) Les incendies ont englouti des maisons et les cris se mêlaient au bruit des balles", a déclaré dans un communiqué la Coordination générale des camps de déplacés et de réfugiés du Darfour.
L'attaque a duré au moins trois jours, ont déclaré des témoins à l'AFP, faisant au moins 19 morts, a déclaré dimanche le gouverneur du Darfour, Mini Minawi, dont les forces combattent les FSR avec l'armée.
Au moins deux travailleurs humanitaires ont été tués, selon l'ONU.
L'hôpital de campagne du camp, géré par Médecins sans frontières, est le seul à pouvoir accueillir des blessés, mais faute de bloc opératoire, il ne peut pas leur fournir les soins nécessaires.
"Nous avons dû laisser des blessés sur le sol", a déclaré Adam Issa, un habitant de Zamzam, après avoir fui sa maison en flammes.
Les familles ont fui avec ce qu'elles pouvaient porter, mais quand elles sont arrivées à Tawila, il ne leur restait plus rien.
"A cinq barrages, les FSR nous ont fouillées, nous accusant d'être du côté de l'armée et que nos maris étaient des soldats", a raconté à l'AFP Maqboula Mohamed, retenant à peine ses larmes.
"Ils ont pris nos portables et tout notre argent, ils nous ont laissées sans rien, ils ont même pris nos couvertures", a raconté cette femme de 37 ans, déjà déplacée à plusieurs reprises auparavant.
A Shagra, un village voisin, elle a affirmé que les paramilitaires ont averti les survivants: "Même si vous allez à Zamzam ou el-Facher, nous vous poursuivrons".
- "Silence complice" -
Dans un communiqué publié jeudi, les FSR ont affirmé avoir mené des "opérations rapides pour libérer les personnes déplacées" à Zamzam, car, selon eux, le camp aurait été "transformé en base militaire" par des groupes armés alliés à l'armée.
Les FSR, accusés de génocide au Darfour par les Etats-Unis, ont affirmé "n'avoir jamais pris pour cible des civils".
En septembre, l'Organisation mondiale de la Santé a annoncé un bilan d'au moins 20.000 morts depuis le début du conflit, mais certaines estimations vont même jusqu'à 150.000 victimes, selon l'émissaire américain pour le Soudan, Tom Perriello.
L'agence de l'ONU pour l'enfance (Unicef) a notamment averti que l'escalade de la violence à Zamzam et à el-Facher "mettait en danger des centaines de milliers d'enfants".
Dans une déclaration à l'AFP, le groupe de civils administrant Zamzam a estimé que l'objectif des FSR était d'"éradiquer" entièrement les déplacés.
"Ce qui se passe actuellement au Darfour est un génocide avéré qui exige une action internationale immédiate", ont-ils déclaré, ajoutant que le silence serait jugé par l'histoire comme "une complicité".
Amnesty International a souligné "le besoin urgent d'une véritable pression internationale" sur les belligérants, notamment via un embargo sur les armes.
A Tawila, un groupe armé neutre, l'Armée de libération du Soudan, dirigé par Abdoulwahid al-Nour, s'est engagé à protéger les civils.
Mais dans la steppe, sans abri, nourriture ni argent, Sarah est "terrifiée".
"Nous nous sommes enfuis avec juste les vêtements que nous avions sur le dos, nous n'avons rien, pas même une couverture pour nous couvrir quand nous dormons."