Le projet de résolution vu par l'AFP appelait les parties "à cesser immédiatement les hostilités et à s'engager de bonne foi dans un dialogue pour permettre des étapes vers une désescalade, dans le but de se mettre d'accord de façon urgente sur un cessez-le-feu national".

Le texte préparé par le Royaume-Uni et la Sierra Leone a recueilli 14 voix pour, et une contre.

"Un pays a empêché le Conseil de parler d'une seule voix (...) Un pays est l'ennemi de la paix. Ce veto russe est une honte, la Russie montre une nouvelle fois au monde quel est son vrai visage", a fustigé le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy, qui présidait la réunion. 

"Honte à Poutine de prétendre être un partenaire des pays du Sud tout en condamnant des Africains noirs à subir plus de meurtres, de viols, de famine dans une guerre civile brutale", a-t-il ajouté.

"La Russie affirme être pour et avec les Africains, mais vote contre une résolution soutenue par les Africains, pour les Africains", a renchéri l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield, jugeant "inadmissible" que la Russie s'oppose à des mesures "pour sauver des vies".

Le Soudan est ravagé depuis avril 2023 par une guerre qui oppose l'armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 2021, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo.

Le conflit a déjà fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de 11 millions de personnes, dont 3,1 millions à l'extérieur du pays, selon l'ONU.

- "Ingérences extérieures" -

L'ambassadeur russe adjoint Dmitry Polyanskiy, assurant que Moscou souhaitait un cessez-le-feu mais décidé par les parties elles-mêmes, a justifié son veto en dénonçant un projet de résolution "au parfum post-colonial".

Il a également accusé les Britanniques d'avoir pendant les négociations empêché "toute mention des autorités légitimes du Soudan".

Si lors des précédentes résolutions sur cette guerre, la Russie s'était abstenue, elle s'est montrée récemment de plus en plus clairement "alignée" avec le camp du général Burhane, avait commenté un diplomate avant le vote.

Le ministère soudanais des Affaires étrangères a d'ailleurs dans un communiqué "salué" le veto russe, expression d'un "soutien à l'indépendance et l'unité du Soudan et de ses institutions nationales".

Le pays connaît ces dernières semaines une nouvelle flambée de violences, chacun des deux camps semblant "persuadés de pouvoir l'emporter sur le champ de bataille", a déploré il y a quelques jours la sous-secrétaire générale de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo.

Les civils en paient le prix fort, avec environ 26 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire sévère, la famine qui menace, et des accusations de violences sexuelles généralisées.

Dans ce contexte, le projet de résolution appelait les deux parties à "respecter les engagements" pris en 2023 pour protéger les civils, à ne pas utiliser les violences sexuelles comme "tactique de guerre", et à permettre un accès "rapide, sûr et sans entrave" à l'aide humanitaire.

Sans nommer personne, le projet de texte appelait les Etats membres à s'abstenir "d'ingérences extérieures qui alimentent le conflit", et réclamait le respect de l'embargo sur les armes vers le Darfour. 

Le Soudan accuse régulièrement les Emirats arabes unis de soutenir les FSR notamment en leur livrant des armes, accusation rejetée par Abou Dhabi et les FSR.

Même si la résolution avait été adoptée, restait à savoir si elle aurait pu avoir un impact sur la guerre.

En mars, la résolution du Conseil appelant à un cessez-le-feu "immédiat" pendant le mois du ramadan n'avait pas été suivie d'effet.

En juillet, le Conseil avait exigé la fin du "siège" d'el-Facher par les FSR et la fin des combats autour de cette grande ville du Darfour où sont piégés des centaines de milliers de civils. En vain, également.