A l'heure où le gouvernement est à l'affût du moindre euro d'économies, la note de France Stratégie publiée lundi pourra faire sursauter certains ministres. On le sait, le volume des investissements nécessaires pour tenir les engagements climatiques de la France - réduire de 50 % les émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990 - est considérable. France Stratégie évalue ce montant à 85 milliards d'euros par an, en se focalisant sur deux secteurs : le logement et le transport routier, ces secteurs étant les plus émetteurs de CO2.

Au-delà du montant lui-même, qui se trouve dans la fourchette desprécédentes évaluations faites par d'autres organismes, c'est sur le calcul de la rentabilité de ces investissements que s'est penché France Stratégie. Dans un contexte de finances publiques contraint, il est en effet indispensable d'évaluer avec précision le montant des financements publics qui permettrait de rendre rentables les investissements privés qui a priori ne le sont pas pour les ménages ou les entreprises.

Dans le scénario central de France Stratégie (c'est-à-dire avec un prix de l'énergie constant sur la période 2024-2030), seul un tiers de ces investissements « verts » seraient rentables pour les ménages ou les entreprises. Plus précisément, sur les 605 milliards d'euros nécessaires pour tenir nos engagements climatiques entre 2024 et 2030, 208 milliards seraient rentables, soit 34 %. « Cette part s'améliorerait au fil du temps, note France Stratégie, passant de 13 % en 2024 à 52 % en 2030. » Concrètement, le remplacement d'une chaudière au fioul est rentable quel que soit le type de ménages durant l'ensemble de la période. En revanche, le remplacement d'une chaudière à gaz par une pompe à chaleur n'est rentable que dans moins de la moitié des cas du fait des gains moindres sur l'énergie consommée. Pour l'isolation thermique des bâtiments, aucun des investissements, qu'il s'agisse de logements privés ou de bâtiments tertiaires, ne serait jamais rentable avec les hypothèses retenues.

Subventions, réglementation ou fiscalité

En d'autres termes, sans intervention publique, qu'il s'agisse de subventions, de réglementation ou de fiscalité, ménages et entreprises n'ont aucun intérêt financier à isoler leur logement ou leurs locaux vu l'ampleur des sommes représentées par ces travaux de rénovation. Globalement, seuls 16 % des investissements seraient rentables dans le bâtiment en 2030. Un chiffre toutefois très dépendant de l'évolution des prix de l'électricité. Concernant les véhicules électriques, dontles prix devraient baisser, 85 % des investissements sont considérés comme rentables en 2030. Ce constat posé, France Stratégie s'est employé à évaluer la part des interventions publiques nécessaire pour rendre rentable l'ensemble des investissements. Dans le cas où l'Etat tient compte des revenus des ménages pour calibrer le niveau des aides et ainsi éviter les effets d'aubaine, le montant des transferts nécessaires s'élève à 19 milliards d'euros par an, et 17 milliards pour la seule rénovation énergétique des bâtiments. A comparer aux8 milliards du budget consacré à la transition énergétique dans la précédente loi de Finances.

« Pour être tout à fait juste, on a besoin de l'équivalent de 19 milliards d'euros annuels pour rendre rentable les investissements verts, mais cela ne veut pas dire 19 milliards de subventions publiques directes, cela peut être financé sous forme de malus pour les actifs bruns, d'une taxe carbone ou de toute autre réglementation sur les énergies fossiles », détaille Grégory Claeys, directeur du département Economie de France Stratégie.La note d'analyse suggère par exemple de supprimer l'avantage fiscal qui profite aux rénovations écologiques qui réduit la TVA de 10 % à 5,5 % depuis 2014. « Cet avantage fiscal n'est pas ciblé et bénéficie aussi à des ménages qui effectuent des rénovations qui seraient rentables sans aides et qu'ils seraient capables de financer. »

A noter que ce chiffrage de 19 milliards par an de financement public ne prend pas en compte certains investissements incontournables pour la transition énergétique, tels quel'installation de borne de recharge pour les véhicules électriques ou les investissements dans les renouvelables pour assurer un prix de l'électricité abordable.