L'un des fonctionnaires l'est aussi pour "violences sans incapacité totale de travail et avec la circonstance aggravante d'une personne dépositaire de l'autorité publique", a indiqué vendredi soir le parquet de Marseille. 

Le samedi 8 décembre 2018, plusieurs manifestations s'étaient rejointes dans la ville: une marche contre l'habitat indigne, un mois après l'effondrement meurtrier des immeubles de la rue d'Aubagne, une marche pour le climat et une manifestation de "gilets jaunes".

Dans ce contexte explosif, où 500 policiers étaient mobilisés, Maria, 19 ans, vendeuse en centre-ville, rentrait du travail accompagné de son petit ami de l'époque quand elle avait été atteinte par un tir de LBD à la cuisse, dans une ruelle du cœur commerçant de Marseille. 

Elle a ensuite été violemment frappée au sol par une quinzaine de policiers, à coups de pieds et de matraques, qui lui ont fracturé le crâne et laissé d'importantes séquelles. En voulant la protéger son petit ami se fait également violenter par les forces de l'ordre. 

C'est concernant ce dernier qu'un policier a été mis en examen pour violences aggravées et placé sous contrôle judiciaire avec une interdiction d'acte de police, de voie publique ainsi que de porter une arme.

C'est la première fois que des mises en examen ont lieu dans cette affaire, pour laquelle une information judiciaire pour "violences aggravées et non-assistance à personne en danger" a été ouverte à l'été 2019, et l'IGPN, la police des polices, saisie.

Les cinq autres policiers mis en examen ont aussi été placés sous contrôle judiciaire, sans interdiction d'exercer, a précisé vendredi le parquet de Marseille à l'AFP.  

Parmi les fonctionnaires, deux sont arrivés de Mayotte pour être entendus par le juge d'instruction.

- Enormes cicatrices -

Cette affaire de violences policières avait fait grand bruit en 2018, plusieurs semaines après les faits, quand la jeune femme de 19 ans avait porté plainte auprès de l'IGPN: des photos d'elle à l'hôpital, le crâne rasé balafré de deux énormes cicatrices, avaient été diffusées dans la presse.

Rencontrée par l'AFP en 2020, elle avait raconté, tombée à terre, avoir reçu un coup de pied en plein visage, d'un homme chaussé de rangers. Et une pluie d'autres coups, de pieds, de matraques, qui lui fracturent le crâne: "J'avais les yeux ouverts, j'étais consciente, mais à un moment j'ai cru que j'allais lâcher".

"Sans l'ombre d'un doute, les individus qui ont violenté (Maria) avaient tous la qualité de fonctionnaires de police et ces violences sont d'autant plus inacceptables qu'elles ont été commises de façon purement gratuite", avait conclu une première fois le juge d'instruction saisi du dossier, en décembre 2020.

Mais l'affaire a depuis été une succession de déceptions pour la partie civile: enregistrements radio du logiciel Acropol, qui capte les échanges entre policiers sur le terrain, effacés, images de vidéosurveillance de la ville aussi. L'enquête s'est même heurtée à une panne du logiciel Pégase, qui suit les demandes d'intervention à la police, l'après-midi des faits.

Le dossier a été rouvert, et clos, à plusieurs reprises, faute d'identification des policiers présents.

A tel point que Maria, avait dénoncé à l'AFP avoir été "abandonnée". "Ils n'ont rien cherché", accusait-t-elle.

Jeudi soir, son avocat Brice Grazzini avait réagi en indiquant que "la partie civile, que je représente, se réjouit que, presque sept ans après les faits et suite à une bataille judiciaire sans précédent, le dossier soit relancé".