Longtemps perçue comme une affaire relevant du privé, la santé mentale devient un sujet de société. Le gouvernement annonce qu'elle sera la « grande cause de 2025 ». Et ce sujet, aussi complexe que vaste, doit devenir une priorité stratégique pour les entreprises et leurs dirigeants. Non seulement, car le mal-être au travail est une des causes de détresse psychologique, mais aussi car les directions ont tout à gagner à créer des conditions de travail qui protègent la santé mentale de leurs collaborateurs et garantissent une performance durable.

Le 10 octobre, à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, l'OMS nous rappelait que santé mentale et travail sont étroitement liés, faisant écho au vieil adage « le travail, c'est la santé »… à considérer au conditionnel. En effet, les individus sont exposés à divers risques pour leur santé mentale dans le cadre professionnel (rappelons qu'un salarié français sur deux déclare se trouver en situation de détresse psychologique, selon le baromètre 2023 Opinion Way/Empreinte Humaine). Et cela a un coût : à l'échelle mondiale, la dépression et l'anxiété sont responsables de la perte d'environ 12 milliards de jours de travail chaque année.

Surcharge et pression

Pour inverser ce phénomène, il est nécessaire de prendre en compte les impacts prouvés de certaines situations de travail sur la cognition des salariés, telles que la surcharge mentale, la pression temporelle, la surcharge émotionnelle, ou encore le manque de contrôle. La présence prolongée et cumulée de ces « stresseurs » peut entraîner une altération progressive des capacités cognitives et physiques.

Par exemple, l'absence de temps suffisant de récupération peut diminuer les performances et affecter durablement l'engagement individuel, voire l'estime de soi, fragilisant d'autant l'individu. A ces risques s'ajoute désormais une incertitude croissante pour les salariés. Au-delà des crises économiques, climatiques et sociales, l'environnement de travail est soumis à des évolutions constantes, qui s'accompagnent encore trop rarement d'une prise en compte de l'impact humain des transformations. Or les études scientifiques nous montrent que l'incertitude peut avoir de lourdes conséquences sur notre santé mentale et notre capacité à avancer collectivement dans une direction. Face à ces risques avant tout structurels, les directions ne peuvent donc pas se contenter de solutions palliatives comme le fait de négocier les départs, compenser des arrêts de travail ou encore donner accès à une assistance psychologique, des formations de gestion du stress ou des séances de coaching. Bien que ces actions soient bénéfiques, elles ne traitent pas les causes profondes du malaise au travail.

Soutenir les capacités cognitives et sociales plutôt que de les épuiser

Les directions doivent à tout prix déployer des stratégies préventives, axées sur l'adéquation entre travail et fonctionnement humain. Par exemple, la qualité des interactions dans un collectif de travail est protectrice. Ces ressources sociales, qu'on appelle également « capital social », permettent aux individus d'agir ensemble, de s'entraider et de se soutenir, de se faire confiance. Elles sont indispensables pour faire face aux contraintes et diminuer d'autant le stress.En régulant l'hyperconnexion, en développant la culture d'une collaboration apaisée et en tenant compte de l'impact humain de chaque transformation, les entreprises protégeront la santé mentale de leurs salariés tout en apportant aux équipes les moyens d'une performance durable. Ainsi, elles pourront à la fois réduire l'absentéisme, développer de nouveaux leviers d'engagement et d'attractivité, mais surtout participer à la création d'un cercle vertueux au service de la société et de l'humain, dont la France a cruellement besoin. C'est pourquoi repenser l'organisation pour soutenir, plutôt que d'épuiser, les capacités cognitives et sociales des salariés doit devenir la grande cause professionnelle de 2025.