Malgré la guerre, la pauvreté et le chômage, le Yémen est devenu pour beaucoup d'entre eux une antichambre vers les riches monarchies du Golfe.
Rêvant d'une vie meilleure, ils ont fui la Corne de l'Afrique, espérant gagner les Emirats arabes unis ou l'Arabie saoudite, frontalière du Yémen, pour y travailler dans la construction ou comme employés de maison, mais se retrouvent bloqués par le strict contrôle des frontières.
Pendant la journée, les hommes quittent le bidonville, en quête de travail.
Ils forment de longues files le long des routes d'Aden, la capitale provisoire du gouvernement reconnu par la communauté internationale, ravagée par des années de guerre, frappée par le chômage et l'insécurité alimentaire.
Pour survivre, beaucoup enchaînent des petits boulots, notamment en lavant des voitures, tandis que d'autres fouillent les poubelles pour nourrir leur famille.
"Certains jours, on mange, d'autres jours, c'est entre les mains de Dieu", a raconté à l'AFP Abdallah Omar.
Il y a un an, ce père de quatre enfants a décidé de tenter sa chance et a payé 500 dollars à des passeurs pour embarquer avec sa famille vers la péninsule arabique.
- "Pas de travail, pas d'argent" -
Des espoirs rapidement douchés lorsqu'après avoir traversé le golfe d'Aden, il s'est retrouvé coincé au Yémen, peinant à trouver du travail dans un pays dont l'économie a été mise à genoux par plus d'une décennie de guerre. Pour survivre, M. Omar lavait des voitures pour environ 6.000 rials (quatre dollars) par jour.
Après des années de travail dans le bâtiment à Mogadiscio, il espérait pourtant trouver de meilleures conditions de vie au Yémen, un pays qu'il avait traversé enfant, en route vers l'Arabie saoudite.
C'était avant le début de la guerre qui a éclaté en 2014 entre les autorités yéménites et les rebelles houthis, soutenus par l'Iran, qui se sont emparés de la capitale Sanaa et d'autres pans du territoire.
Le conflit a fait des centaines de milliers de morts et provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde. Depuis 2022, une trêve fragile est en vigueur.
Au Yémen, "il n'y a pas de travail, pas d'argent, et pas d'école pour les enfants". "Ici je n'ai rien", témoignait M. Omar à l'AFP en expliquant vouloir rentrer en Somalie.
Fin octobre, il a pris avec sa famille un vol vers Mogadiscio dans le cadre d'un programme de retour volontaire de l'ONU.
Malgré ces conditions difficiles, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a enregistré l'arrivée de quelque 17.000 personnes au Yémen en provenance de Djibouti ou de Somalie en octobre, soit une hausse de 99% par rapport à septembre.
La Somalie reste ravagée par la guerre civile, tandis que les insurgés islamistes des shebab contrôlent encore de vastes pans du pays.
- "Si la paix revient" -
Mais la relative accalmie observée ces dernières années dans la capitale a apporté un semblant de stabilité et permis l'essor d'un lucratif boom de la construction dans certains quartiers, même si la situation demeure fragile.
Au Yémen, la situation économique a continué à se détériorer en 2024, en raison de la dépréciation de la monnaie, de l'arrêt des exportations de pétrole et du manque de financements internationaux.
Beaucoup de réfugiés veulent rentrer en Somalie mais n'ont pas les moyens de payer des passeurs ou des billets d'avion, explique Oweis Al-Azzan, responsable du programme de retours volontaires de l'ONU, qui offre transport gratuit et aide financière pour faciliter leur réinstallation.
L'ONU a déjà rapatrié plus de 500 Somaliens depuis le début de l'année et prévoit trois autres vols d'ici la fin de l'année.
Parmi eux, Ahmed Abou Bakr Marzouk, arrivé il y a 25 ans au Yémen. L'entrepreneur somalien a fondé une famille et financé la construction de deux maisons à Mogadiscio.
Mais "depuis trois ou quatre ans, il n'y a plus de travail, mes filles travaillent comme domestiques", explique cet homme de 58 ans.
Sans perspective au Yémen, il est reparti pour la Somalie. "Si la paix revient au Yémen, je repartirai", assure-t-il.